Sur Twitter, médias et journalistes branchés se transforment en vulgaires placards autopromotionnels ambulants. Le grand public aussi y parle beaucoup de son nombril. Le défi que devront relever les fondateurs du populaire réseau social: changer cette vilaine habitude. Sinon, point de salut. Est-ce possible?

Réputé pour la rigueur de ses études sur l'usage des nouveaux médias, le Pew Research Center américain déplorait la semaine dernière l'absence d'interaction des outils corporatifs qu'utilisent les médias traditionnels afin de promouvoir leur propre contenu sur les réseaux sociaux. Du même souffle, il constate que le grand public, lui aussi, y tient des conversations axées sur son propre intérêt.

Si ces technologies sont le reflet de l'âme, en conclut-on, celle du gazouilleur moyen est drôlement narcissique. Un narcissisme que Twitter devra briser s'il compte générer suffisamment de revenus pour ne pas se consumer. «Il faut faire vite, car Twitter compte s'inscrire en Bourse bientôt et pour ça, ça prend un modèle rentable. Il lui faudra générer des échanges plus soutenus, sinon l'intérêt va s'émousser», résume Sébastien Provencher, cofondateur de Needium, qui traite et analyse 15 millions de gazouillis chaque jour.

Si l'analyse que fait Needium révèle quelque chose de concluant, c'est que Twitter, c'est l'anarchie. Une anarchie banale. «Ce qu'on voit passer sur Twitter, c'est beaucoup de gens qui ont des conversations plutôt triviales à propos de leur quotidien.»

Le hic, c'est que les fondateurs de Twitter peinent à codifier, à transformer les quelque 250 millions de billets publiés chaque jour en un modèle économiquement viable. Pourtant, dans la twittosphère, un tel code existe déjà. Un bon et un mauvais usage de Twitter, comme autant de lois non écrites du savoir-vivre 2.0: tu ne retweeteras point sans crédit à l'auteur original, tu ne feras point de «name-dropping» sans raison valable, tu n'écriras point EN LETTRES MAJUSCULES... Et maintenant: tu interagiras massivement avec tout le monde.

Imposer un tel code à une tribune publique occupée par 150 millions de personnes est une tâche complexe. «Twitter a cinq ans. Ce n'est pas comme le téléphone, où plusieurs générations d'utilisateurs ont pris le temps de codifier son usage: un appel débute par bonjour et se termine par au revoir. Avec les médias sociaux, on en est encore à apprendre sur le tas», explique M. Provencher.

Heureusement pour Twitter, les investisseurs aux poches creuses sont là pour lui prêter main-forte. À ce jour, l'entreprise a d'ailleurs récolté plus de 1,1 milliard de dollars. Sauf qu'avec le yo-yo boursier actuel, le temps presse. La question se pose plus que jamais: imaginerait-on un internet sans Twitter? À vous de répondre. En 140 caractères ou moins...