De passage à Montréal hier, Arianna Huffington a annoncé le lancement prochain d'une version québécoise du site de nouvelles Huffington Post.

«Nous acceptons les curriculum vitae», a lancé la fondatrice et rédactrice en chef du site acheté en février dernier par le géant AOL pour la rondelette somme de 315 millions de dollars. Aujourd'hui, l'entreprise médiatique compte 52 sites, des sections canadienne et britannique, et s'apprête à lancer des sites en France, en Espagne et au Brésil. La version québécoise viendra ensuite.

«Environ un million des visiteurs de Huffington Post provenait du Canada, c'est pourquoi nous avons lancé notre site canadien en mai dernier. Le nombre de visiteurs a augmenté de 30% le mois dernier», a expliqué Mme Huffington, venue dans la métropole à l'invitation du magazine Infopresse pour présenter une conférence devant un parterre composé des gens de l'industrie des médias et de la publicité.

Aux États-Unis, Arianna Huffington est une véritable star: auteure, ex-candidate au poste de gouverneure de la Californie, cette femme d'origine grecque diplômée de Cambridge s'est illustrée dans les médias américains comme commentatrice politique. Son nom figure sur plusieurs listes prestigieuses, dont celle des 100 personnalités du magazine Time.

Mais c'est son site The Huffington Post, créé en 2005, qui a fait de cette personnalité flamboyante un véritable gourou du monde des médias. «J'ai eu l'idée de fonder le site Huffington Post parce que j'aime les conversations, j'aime rassembler chez moi des gens qui ne se connaissent pas autour d'une table et parler de ce qui se passe dans notre société», a expliqué la femme d'affaires.

La vente de Huffington Post a créé un certain émoi dans le monde des médias. «Trois cents millions de dollars pour vendre le contenu des autres!», disait-on en substance. En effet, The Huffington Post est avant tout un agrégateur qui repique les textes publiés dans d'autres médias et qui publie les humeurs de blogueurs qui ne sont pas rémunérés. Les critiques les plus dures ont déjà qualifié le site Huffington Post de «parasite».

Arianna Huffington connaît la réputation de son site et a tenu à remettre les pendules à l'heure. «Nous sommes deux choses: une entreprise journalistique avec des journalistes que nous payons très bien et une plateforme pour des blogueurs qui souhaitent s'exprimer, mais que nous ne payons pas. En échange de leur opinion, nous leur offrons une large diffusion ainsi que l'occasion d'échanger avec le public. C'est un échange équitable et personne ne les oblige à écrire pour nous. C'est comme lorsque je suis invitée à la télévision pour exprimer mon opinion. Je ne suis pas payée pour le faire et je ne suis pas obligée non plus. J'y vais parce que je veux faire entendre mes idées.»

Arianna Huffington raconte que lorsqu'elle a lancé Huffington Post, les blogueurs étaient, ni plus ni moins, considérés comme «des gens en pyjama qui n'avaient pas réussi à être embauchés nulle part». Elle en a profité pour lancer une flèche à ceux qui, au Québec, souhaitent l'adoption d'un titre professionnel pour les journalistes. «Cette idée est ridicule, j'aimerais bien rencontrer la personne qui l'a eue.»

Elle n'est toutefois pas de ceux qui prédisent la disparition des médias imprimés (lire un journal ou un magazine papier est inscrit dans notre ADN, affirme-t-elle). Ils survivront, selon elle, à condition d'avoir une bonne stratégie en ligne. «Si vous avez une grosse histoire, n'attendez pas pour la publier, mettez-la en ligne sans attendre, même si c'est samedi matin. Les vieux cycles des nouvelles ne marchent plus.»

À son avis, les médias qui vont avoir du succès sont ceux qui vont parler de ce qui se passe en temps réel (d'où le succès du liveblogging) et qui vont échanger avec leur public. C'est du moins la formule gagnante chez Huffington Post qui a célébré son 100 millionième commentaire la semaine dernière et qui vient d'embaucher une trentaine de modérateurs pour faire le tri dans cet océan d'opinions.

«Aujourd'hui, les gens ne veulent plus seulement consommer la nouvelle, ils veulent la commenter.»