Imaginez un site d'aubaines quotidiennes qui, au lieu de vendre des massages et des sushis, proposerait aux internautes des projets d'entreprises en démarrage. Les intéressés précommandent le produit de ces entreprises, et s'ils sont assez nombreux, l'entreprise obtient son financement. C'est farfelu? Non, c'est Kickstarter.

Kickstarter a été fondé en 2009 par trois New-Yorkais. Le site peut être qualifié de Groupon du capital d'amorçage, puisque la formule repose sur le même critère-clé: le poids du nombre. Si suffisamment d'internautes aiment un projet et précommandent le produit ou le service offert, les créateurs du projet obtiennent le financement qu'ils demandent pour assurer son lancement.

Le site, lui, empoche 5% des mises totales, tandis qu'Amazon, qui fournit l'infrastructure de paiement, impose des frais variant de 3 à 5% de la somme totale. Si un projet n'atteint pas son objectif de financement, tout le monde est remboursé.

Un taux de réussite élevé

À la fin, les créateurs du projet sont les seuls propriétaires dudit projet. Ils sont seulement plus riches des quelques milliers de dollars confiés par les internautes, la valeur des projets allant de 2000 à plus de 100 000 dollars. Les créateurs de Kickstarter disent approuver 60% des quelque 2000 projets qui leur sont soumis chaque semaine. Depuis deux ans, l'entreprise a amassé 80 millions de dollars au profit d'une dizaine de milliers de projets, pour un taux de réussite de 44%.

Tout investisseur vous le dira: si le rendement financier est plutôt modeste, ce taux de réussite demeure particulièrement élevé. Ce concept intéresse d'ailleurs plus que jamais ces investisseurs, qui y voient une façon simple et efficace de tester l'intérêt pour un nouveau produit.

À la croisée de trois secteurs d'activité intimement liés aux nouvelles technologies, l'aide au démarrage, le commerce électronique et l'achat groupé, Kickstarter est en quelque sorte l'évolution de ce que Chris Arsenault, PDG d'iNovia Capital à Montréal, appelle le commerce social.

«L'acheteur s'implique plus que jamais. Il investit dans l'entreprise et il en devient en quelque sorte le porte-parole auprès de ses amis et relations. Quand le seuil de financement est atteint, c'est une très belle preuve qu'il y a de l'intérêt pour un produit», explique celui qui admet, humblement, avoir récemment refusé de financer un projet qui a par la suite obtenu la somme désirée via Kickstarter.

Il n'est certainement pas seul. Dix-huit entreprises montréalaises ont trouvé du financement sur Kickstarter. Elles sont 90 au total au Canada. «Kickstarter peut confirmer qu'il y a un besoin là où on n'en voyait pas auparavant. Le site rend service aux investisseurs, qui peuvent revenir par la suite pour investir à leur tour.»

Pour le moment, Kickstarter demeure un phénomène marginal. S'il en vient à prendre trop de place, il pourrait rencontrer certains écueils. Par exemple, il ne perçoit aucune taxe sur les produits qu'il vend. Il ne se soumet pas non plus aux règles en vigueur sur l'investissement et les campagnes de financement.

Bref, il n'a pas encore attiré l'oeil des autorités américaines en la matière. Plusieurs se demandent si le modèle de Kickstarter résistera à cette éventualité: sa rentabilité pourrait en souffrir durement. N'empêche: ce modèle de financement populaire («crowdfunding»), qui a démontré son succès, tant du côté entrepreneurial que du côté des investisseurs traditionnels, semble là pour rester.