Accusé de tous les maux de l'industrie du film et de la télé, le service de téléchargement poste à poste BitTorrent est sérieusement malmené par plusieurs fournisseurs de services internet canadiens. Comme ceux-là contrôlent aussi une large part de ce qui est diffusé à la télé, comment accéder à du contenu étranger sans tracas? En un mot: Usenet.

Si le World Wide Web est en quelque sorte l'adolescent-Tanguy de l'internet, Usenet, c'est son grand-père. En fait, inconfortablement assis, dans des salles mal meublées de leur campus, les premiers internautes canadiens ont fait leurs premiers pas en ligne par l'entremise de Usenet.

Sauf que ce qui prenait la forme d'un long défilement de petits caractères monochromes il y a 30 ans ressemble davantage aujourd'hui à un paradis du téléphage impénitent. Incapables de résister à l'attrait d'un buffet à volonté de contenu télévisuel et vidéo difficilement accessible ici, ils sont nombreux à se servir d'Usenet afin de télécharger le plus récent épisode de leur feuilleton étranger préféré, et ce, de façon parfaitement anonyme.

L'accès à Usenet est offert par des opérateurs qui, en échange d'une dizaine de dollars par mois, fournissent même les outils nécessaires pour répertorier tout ce contenu ou pour le visionner dans la minute. Et comme le protocole ne ressemble en rien à du poste-à-poste, ses utilisateurs peuvent exploiter l'intégralité de la bande passante qu'ils paient très cher chaque mois.

«Ça fait plus d'une dizaine d'années que je me sers d'Usenet. Télécharger une émission de télé normale prend environ 30 minutes, à partir de l'accès typique d'un grand fournisseur», explique Sylvain Nadeau, d'Ottawa.

Pour M. Nadeau comme pour de nombreux autres, Usenet est une voie de contournement des services télévisuels traditionnels, jugés trop contraignants: à l'heure de la webdiffusion, le téléhoraire semble bien vétuste, alors que la vidéo sur demande, au Canada, est soit coûteuse, soit en retard sur ce qu'on retrouve ailleurs.

Ici, les géants des télécommunications ont érigé des frontières virtuelles autour de leur territoire. Ils essaient ainsi d'empêcher les sites web étrangers, webdiffuseurs de contenu musical ou vidéo, de présenter leur matériel aux internautes canadiens.

Pourtant, les experts juristes s'entendent, rien dans la loi canadienne ne justifie une telle pratique. Comme rien, dans la loi, n'explique que ces mêmes sociétés ralentissent volontairement certains protocoles internet, comme le poste-à-poste. La recherche d'une plus grande profitabilité, certes. La loi, non.

La réponse de consommateurs comme M. Nadeau? S'il existe une solution plus pratique et moins coûteuse, c'est celle-là qu'on veut. Napster, LimeWire, BitTorrent. Et maintenant, Usenet.

Pour joindre notre journaliste: alain.mckenna@lapresse.ca