Au moment où vous lisez ces lignes, Sylvain Carle est en Californie, plus précisément dans la Silicon Valley, berceau des désormais célèbres Facebook, Google et Twitter, à la recherche d'investisseurs pour son nouveau bébé.

Sylvain Carle est un des 50 entrepreneurs invités dans le cadre de l'activité 48hrs, un événement de deux jours organisé par un regroupement de Canadiens qui oeuvrent dans la Vallée et qui souhaitent encourager l'entrepreneuriat et la créativité canadiens. Grâce à l'initiative du C-100 (c'est le nom que ces exilés se sont donné), Carle et ses associés pourraient peut-être décrocher l'investissement qui fera décoller leur projet, Needium, un moteur de recherche qui propose de bonnes adresses à partir des questions posées dans les médias sociaux.

Dans le milieu du web montréalais, rares sont ceux qui ne connaissent pas Sylvain Carle. Il y roule sa bosse depuis une quinzaine d'années et mériterait sans doute la palme d'or pour ses efforts à mettre les gens en contact. À 39 ans, ce digne représentant de la génération Atari est parmi les concepteurs des premiers sites web québécois et se souvient de la naissance de Wired, c'est dire. «Je suis un geek autodidacte, lance-t-il. J'étais intéressé par le web et les communications avant même que les universités n'offrent une telle formation. Très tôt, j'ai travaillé à intégrer les deux. Dans un nouvel emploi, quand on me demandait où je voulais mon bureau, je répondais: donnez-moi simplement une chaise à roulettes et un portable. Je veux me promener entre les différents départements et mettre tout le monde en lien.»

Comme bien des quarantenaires qui oeuvrent dans le milieu du web et de la techno à Montréal aujourd'hui, Sylvain Carle est un rejeton de Public Technologies Multimédia (PTM), l'entreprise qui avait connu beaucoup de succès dans les années 90 avec son mannequin virtuel.

Silicon Valley

En 1999, alors qu'il avait trois jeunes enfants, il décide de faire le saut et de quitter Montréal pour s'installer en Californie. «Je me disais que si je visais la Coupe Stanley, il fallait que j'aille là où se trouvaient les meilleurs, dans la Silicon Valley.» Il y est resté moins d'un an. Voyant que tous les projets ralentissaient, signe que la bulle techno allait éclater, il revient à Montréal avec une bonne liste de contacts, beaucoup de projets ainsi que le blogue qu'il avait commencé à écrire pour raconter son expérience, A Frog in the Valley. Le nom lui est resté. Le blogue aussi.

C'est lors d'une participation au Web 2.0 Expo, à San Francisco, qu'il a assisté pour la première fois à un «BarCamp», concept crée par Tim O'Reilly, véritable gourou de l'internet, l'année précédente. Ces discussions de couloir qu'on appelle aussi non-conférences ou anticonférences, dans lesquelles il n'y a pas de conférenciers, que des participants, ont séduites ce champion du réseautage. De retour à Montréal, Sylvain Carle organise donc son premier BarCamp. Nous sommes en 2006, la communauté francophone n'est pas vraiment organisée et ce sont surtout des geeks anglophones qui y participent. Depuis, le concept a fait des petits et plusieurs camps ont eu lieu. Le week-end dernier, par exemple, le second MediaCamp a attiré une centaine de personnes entre les murs du Coeur des sciences de l'UQAM. «Je savais que ce concept d'anticonférence fonctionnerait, observe Sylvain Carle. Au Québec, on aime ça discuter. Aujourd'hui, on peut assister à des dizaines de manifestations du genre à Montréal, les Pecha Kucha en design, les conférences Ted, etc. C'est un mouvement qui prend de l'ampleur.»

Effervescence montréalaise

En fait, Sylvain Carle sent une véritable effervescence sur la scène techno montréalaise. «J'entends parler de Montréal de plus en plus souvent à l'extérieur du pays, assure-t-il. Il y a plus de cohésion, plus de communication au sein de la communauté. Le problème, comme dans bien des choses, c'est l'argent. Les premiers investisseurs technos québécois, les Daniel Langlois, Serge Godin et Alexandre Taillefer n'ont pas réinvesti dans les start-ups montréalaises comme cela s'est fait en Californie, par exemple. L'argent est plus difficile à trouver pour démarrer son entreprise, bien que certains fonds d'investissement ont été mis sur pied au cours des dernières années. Il suffirait d'un véritable gros succès pour que ça décolle vraiment.»

D'ici là, Sylvain Carle ne baisse pas les bras et participe à tous les projets qui peuvent contribuer à mettre Montréal sur la carte. Il siège entre autres au conseil d'administration d'Osmo, une fondation qui souhaite transformer la magnifique maison Notman, rue Sherbrooke, pour en faire une adresse incontournable du monde du web. Le financement s'organise et la maison, qui loue présentement ses locaux à des travailleurs du web en plus d'accueillir plusieurs manifestations de la communauté geek, souhaiterait ouvrir un café rue Clark d'ici un an ou deux. Autre projet emballant: le Festival de startups de Montréal qui aura lieu en juillet prochain, en plein Festival Juste pour rire, question d'attirer les entrepreneurs web de l'extérieur à Montréal pendant l'été. «Je rêve que Montréal devienne une référence en techno comme elle l'est pour la musique alternative, lance Sylvain Carle. Il nous manque juste notre équivalent d'Arcade Fire...»

Le blogue de Sylvain Carle: afroginthevalley.com

Pour en savoir plus:

Sur la fondation Osmo: osmo.org

Sur le C-100: thec100.org

Sur le Festival de startups cet été: startupfestival.com

Les sources de Sylvain Carle

TimO'Reilly (tim.oreilly.com), un des leaders du web et initiateur du premier sommet de l'Open source. Sa conférence au dernier festival SXSW, en mars dernier, était parmi les moments marquants de l'événement. Le blogue de John Battelle (battellemedia.com), journaliste et président de Federated Media Publishing. Il fait le lien entre les médias et la technologie. Les sites Owni et rue89.