Une cour militaire égyptienne a condamné un blogueur à trois ans de prison pour avoir critiqué les forces armées, un premier jugement de ce genre depuis que le pays est dirigé par un collège de généraux suite à la chute du président Hosni Moubarak.

Ce verdict, qui a suscité l'indignation des organisations de défense des droits de l'Homme, pourrait inquiéter l'important réseau de blogueurs égyptiens qui espéraient que le départ de M. Moubarak sous la pression de la rue allait ouvrir la voie à une ère nouvelle de liberté d'expression.

«Malheureusement, la cour militaire de Nasr City (au Caire) a condamné Maikel Nabil à trois ans de prison», a déclaré son défenseur Me Gamal Eid. «Les avocats n'étaient pas présents. Le verdict a été prononcé pratiquement en secret», a-t-il précisé.

Le verdict était attendu mercredi mais il a été reporté à dimanche. Les avocats ont été au tribunal dimanche mais on leur a demandé de partir arguant qu'il n'y aurait pas de sentence, a expliqué Me Eid.

«Nous avons ensuite été très surpris d'entendre qu'il (Maikel Nabil) avait été condamné à trois ans», a affirmé l'avocat, directeur du Réseau arabe d'information sur les droits de la personne (Arab Network for Human Rights Information, ANHRI), qui défend la liberté d'expression.

L'organisation Reporters sans frontières (RSF) s'est dite «profondément choquée» par cette condamnation qui fait selon elle du blogueur «le premier prisonnier d'opinion en Egypte depuis la révolution».

«Les méthodes utilisées par les autorités militaires égyptiennes ne semblent pas avoir évolué depuis la chute d'Hosni Moubarak. Elles montrent à quel point l'armée, sujet toujours tabou dans le pays, reste hermétique à la critique», affirme RSF, en réclamant la libération du jeune homme.

«Il devrait être possible aujourd'hui en Egypte, pays qui entame un processus de démocratisation, de pouvoir critiquer l'armée, comme n'importe quel corps constitué», a ajouté Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF.

Mardi, Human Rights Watch a demandé à l'armée l'annulation du procès. L'armée «devrait abandonner toutes les charges retenues contre lui en raison de ses commentaires postés (sur internet) critiquant l'appareil militaire», écrivait HRW.

«Ce procès constitue un dangereux précédent au moment où l'Egypte cherche à s'éloigner des abus commis sous l'ère Moubarak», poursuivait la responsable de HRW pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Sarah Leah Whitson.

La police militaire avait arrêté le blogueur le 28 mars après qu'il eut posté sur Facebook des commentaires critiquant l'armée, selon HRW.

Ses commentaires et les informations qu'il a publiés sur Facebook ont été utilisés comme preuves contre lui lors du procès, a dit HRW citant ses avocats.

L'an dernier, un blogueur qui avait publié des conseils sur la conscription avait, selon ses avocats, été condamné à six mois de prison pour divulgation de «secrets militaires».

Un autre internaute avait en revanche été acquitté l'an dernier après avoir publié des allégations de favoritisme dans une académie militaire.

L'armée, qui a promis de rendre le pouvoir à un gouvernement civil élu avant la fin de l'année, a jugé et condamné des dizaines de personnes au cours des dernières semaines pour des crimes tels que vol et agression. Elle fait l'objet d'accusations croissantes de la part d'organisations de défense des droits de l'Homme.

Les blogueurs égyptiens ont été à de multiples reprises visés par des mesures répressives ces dernières années.

Le soulèvement populaire qui a renversé Hosni Moubarak le 11 février est intervenu après un appel à la mobilisation lancé par des jeunes sur internet, aujourd'hui encore très actifs pour réclamer plus de démocratie.