Internet Explorer, Firefox et Chrome: la course de vitesse entre navigateurs internet relance la guerre que se livrent les géants technologiques comme Microsoft et Google pour imposer ces logiciels permettant d'explorer les moindres recoins du web.

Ces dernières semaines, les principaux navigateurs ont tous les trois lancé de nouvelles versions, censées être plus rapides pour ouvrir des pages, afficher des photos, télécharger des vidéos ou faire tourner en même temps plusieurs applications sur la Toile.

«Tout le monde a dégainé, toutes les versions sont aujourd'hui sur la table, la guerre est donc brutalement relancée», commente Mathieu Llorens, directeur général de la société de mesures AT Internet.

«La vitesse est aujourd'hui clairement l'argument le plus utilisé alors que pendant longtemps, l'amélioration de l'ergonomie, comme par exemple l'invention de l'onglet (qui permet d'ouvrir une deuxième page dans la même fenêtre), permettait de faire la différence», selon lui.

«Aujourd'hui, les accès internet sont à haut ou très haut débit, et les logiciels n'arrivent pas à suivre la bande passante, c'est-à-dire qu'il y a une perte de temps, dû au retraitement, entre le moment où les données sont arrivées dans la machine et l'affichage», explique Stéphane Dubreuil, associé du cabinet de conseil SIA.

Mais les mesures effectuées par des instituts indépendants ne distinguent pas vraiment de gagnant dans la vitesse d'exécution des nouvelles versions.

Google est le dernier à avoir lancé, en septembre 2008, son navigateur, Chrome. «Mais il est le premier à avoir utilisé la vitesse comme argument de vente», souligne M. Dubreuil, qui fait valoir que «Google ne pouvait pas faire de promotion en vantant sa gratuité comme pour ses autres produits, car tous les autres navigateurs étaient déjà gratuits».

Pour toucher le grand public, le géant américain a donc massivement investi dans des campagnes publicitaires. La «vitesse» de Chrome a été promue sur l'internet, dans la presse, «alors que Google ne fait presque jamais de publicité pour ses supports», relève M. Llorens.

D'ailleurs, Chrome «enregistre une progression spectaculaire», note l'expert: en janvier, il a dépassé les 10% de parts de marché en Europe, contre 4,5% un an plus tôt, selon AT Internet.

Alors qu'il a dominé le secteur pendant un décennie, Internet Explorer de Microsoft est aujourd'hui passé sous la barre symbolique des 50% d'utilisateurs, et son challenger, Firefox, développé par des bénévoles du monde entier, maintient sa position à 30%.

L'enjeu est d'abord financier. «Le navigateur est un passage obligé pour aller sur l'internet» et il permet donc aux géants du web de placer plus facilement leurs services (courriels, moteurs de recherche, publicité) auprès de l'internaute, fait remarquer M. Llorens, selon lequel «il y a des milliards derrière».

Pour Microsoft, qui avait réussi à construire sa suprématie au début des années 2000 en proposant Internet Explorer par défaut sur les ordinateurs équipés de Windows, ces offensives marketing interviennent à un mauvais moment.

Sur ordre de la Commission européenne, le groupe américain propose depuis début mars à ses utilisateurs européens de choisir dans une liste le navigateur de leur choix à la faveur d'une mise à jour.

«Aujourd'hui, la concurrence est là», soutient Tristan Nitot, qui représente en Europe la fondation Mozilla à l'origine du lancement de Firefox en 2004 dans le but d'obliger Microsoft à innover. «Nous voulons toutefois garder des parts de marché suffisantes pour pouvoir influencer l'industrie, sur des sujets comme la protection de la vie privée par exemple», ajoute-t-il.