Les nouvelles technologies, qu'il s'agisse des réseaux sociaux sur internet, des caméras logées dans les téléphones portables ou des moyens de transmission télévisée par satellite, sont des acteurs des soulèvements dans les pays arabes, qu'elles alimentent et font connaître.

Des mots d'ordre sont lancés sur internet, des images sont diffusées à l'extérieur, des points de vue s'échangent, et pour les régimes autoritaires en place depuis des dizaines d'années, c'est une menace redoutable car extrêmement difficile à combattre.

«Le plus grand facteur dans les événements en cours, à mon sens, semble être le pouvoir des jeunes qui est en train d'émerger, renforcé par leur urbanisation et leur connexion au monde via les téléphones portables», souligne Micah Sifry, co-fondateur d'un blog sur la politique et la technologie, techPresident.

«Se pourrait-il qu'on assiste à la prise de conscience politique de la génération texto?», ajoute-t-il, notant que les réseaux téléphoniques sont bien plus important que les réseaux internet dans la région.

Même si l'influence précise des médias sociaux dans les changements de régime en Tunisie et en Égypte, et les troubles en cours en Algérie, à Bahreïn, en Iran, en Jordanie, en Libye, au Maroc et au Yémen est difficile à évaluer, le président égyptien Hosni Moubarak et le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi ont jugé bon de geler les communications internet pour se protéger.

Pour Alec Ross, conseiller de la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton pour l'innovation, les médias sociaux ont joué «un rôle important» en Égypte et en Tunisie, mais pour autant, «la technologie n'a pas créé les mouvements de protestation».

Même si un cadre égyptien de Google, Wael Ghonim, a été l'un des initiateurs du mouvement ayant conduit au renversement de Hosni Moubarak avec une page Facebook, «il ne s'agit pas de révolutions Facebook ni de révolutions Twitter», martèle M. Ross dans un entretien à l'AFP.

«La technologie a servi d'accélérateur», ajoute-t-il. «Un mouvement qui par le passé aurait pris des mois ou des années a été comprimé en un laps de temps bien plus court».

En Égypte en particulier, les médias sociaux ont permis de rassembler des gens issus de divers milieux: «après être entrés en contact en ligne, ils avaient plus de chance de se retrouver» dans la vraie vie, selon M. Ross, qui note aussi que l'absence de leaders reconnus reflète l'influence des technologies.

«Le Che Guevara du 21e siècle, c'est le réseau», ajoute-t-il, «ce n'est plus un personnage révolutionnaire charismatique qui inspire et organise les foules».

Hors de ces pays, les groupes technologiques veillent à garantir aux populations locales leurs moyens de communication, à l'image de Google s'associant à Twitter pour permettre aux Égyptiens de transmettre par téléphone des messages sur le réseau d'échange de microblogs.

Certains médias se font aussi relais, comme la radio publique américaine NPR (National Public Radio) dont un «stratège des médias sociaux», Andy Carvin, se fait systématiquement l'écho sur Twitter des messages envoyés par les témoins des troubles pour raconter les événements, fournissant un nouveau type de travail journalistique.

«Souvent ce que j'entends (des témoins anonymes s'exprimant sur Twitter) semble refléter ce que disent les gens publiquement (...), et puis en général quelques heures plus tard les sources des médias classiques disent à peu près la même chose. Donc jusqu'à présent c'est assez fiable», a estimé M. Carvin lors d'une émission diffusée lundi soir sur NPR.

«Il faut vraiment prendre certaines choses avec prudence, mais en même temps se rendre compte que (les internautes) font de leur mieux. Ils ne sont pas des journalistes professionnels, ils essaient juste de faire sortir l'information le plus vite possible», ajoute-t-il.