Avec l'arrivée cette semaine d'un câble de fibre optique du Venezuela, Cuba va multiplier par 3000 sa capacité de connexion à internet, une chimère pour la grande majorité des Cubains, privés d'accès à la toile en pleine cyberguerre entre opposants et autorités.

Symbole politique autant que progrès technique, le câble sous-marin qui devait arriver mardi sur les côtes cubaines, à 1600 km du Venezuela, apporte pourtant un potentiel de développement inédit à Cuba, où toutes les liaisons internet, passant par satellite, sont lentes et chères.

Seul un Cubain sur dix est un internaute, selon les chiffres officiels.

Le câble n'est pas une «baguette magique» et il faudra encore beaucoup investir dans les infrastructures pour ouvrir l'accès internet aux Cubains, a expliqué lundi le vice-ministre de l'Informatique, José Luis Perdomo.

Il n'y a «aucun obstacle politique» à cette ouverture, a-t-il souligné en concluant que pour le moment cet accès à la toile restera réservé à un «usage social» : institutions, universités et certaines professions tels que médecins ou journalistes.

«Notre priorité est de poursuivre la création de centres d'accès collectifs et de renforcer les connexions des centres de recherche scientifiques, universitaires et médicaux», soulignait la semaine dernière le vice-ministre.

Hors cet «usage social», l'accès au courrier électronique est possible dans quelques cybercafés d'État des grandes villes du pays, pour un coût d'environ 2 dollars l'heure.

Les grands hôtels offrent également un accès internet à leurs clients, généralement étrangers, au prix de 7 dollars de l'heure. Totalement dissuasif dans un pays où le salaire moyen d'un employé est de l'ordre de 27 dollars par mois.

Pourtant, quelques blogueurs et autres dissidents s'efforcent de contourner ces difficultés, en faisant actualiser depuis l'étranger leurs sites.

Les autorités cubaines sont très sensibles aux tentatives de «subversion» orchestrées selon elles depuis les États-Unis via les sites sociaux comme Facebook ou Twitter.

Depuis une semaine, une vidéo de près d'une heure circule sur la toile (vimeo.com/19402730) où un expert cubain non identifié détaille devant un parterre de responsables présumés du ministère de l'Intérieur comment «l'ennemi» américain soutient la «cyberdissidence» contre Cuba.

«Il est en train de se constituer un réseau de mercenaires virtuels qui ne sont pas les contre-révolutionnaires traditionnels», affirme l'expert en citant en exemple la bloggeuse Yoani Sanchez, très critique à l'égard du gouvernement cubain sur son blogue «Generacion Y».

Dans un premier temps, beaucoup de Cubains espèrent que si l'accès reste limité, au moins les prix puissent baisser.

«Puisqu'on passe d'une liaison satellite lente et chère à une liaison par câble, il serait bien que les prix baissent, car tous les Cubains ne peuvent pas se le permettre», expliquait à l'AFP Yenier Garcia, un ouvrier de 36 ans qui faisait la queue lundi devant un cybercafé de La Havane pour envoyer un courriel à un ami en Suisse.

Mais la bloggeuse Yaoni Sanchez a déjà des doutes : «les fibres de ce câble sont déjà marquées du nom de leur propriétaire et de son idéologie», écrit-elle sur son blogue : «cette connexion sous-marine me paraît plus destinée à nous contrôler qu'à nous relier au reste du monde».

Pourtant, avec ce lien par fibre optique, «il sera plus difficile de nous convaincre que nous ne pouvons pas avoir YouTube, Facebook, Gmail au bout des doigts», souligne la blogueuse en prédisant que «personne n'empêchera que nous employions ce câble pour faire quelque chose de bien différent des projets de ceux qui l'ont acheté».