Google, Facebook et Twitter prennent ouvertement le parti des manifestants égyptiens qui utilisent leurs réseaux pour communiquer entre eux, les géants américains de l'internet n'hésitant pas à sortir de la réserve qui caractérise le monde des affaires.

Les trois piliers d'internet n'ont guère attendu pour afficher leur soutien aux manifestants. La semaine dernière, dès que les autorités égyptiennes ont coupé l'accès au réseau mondial, Google, Facebook et Twitter sont montés au créneau, s'offusquant que le régime du président Moubarak prive les 80 millions d'Égyptiens d'internet.

Pour les analystes interrogés par l'AFP, cette prise de position de la part de trois sociétés américaines est d'autant plus spectaculaire qu'elle est inhabituelle.

«D'ordinaire, pour une société, la question est de savoir comment faire des bénéfices et non celle de savoir ce qui peut être positif pour la planète», constate Benjamin Hermalin, professeur de finances à l'école de commerce Haas à Berkeley (Californie).

«Vu le climat d'incertitude politique qui prévaut, il est très surprenant que des sociétés misent sur un camp plutôt que l'autre, car si c'est l'autre camp l'emporte, ces sociétés se retrouvent très mal en point», explique M. Hermalin.

Mais cette incertitude n'a pas empêché Facebook, qui compte 5 millions de membres en Égypte, de diffuser un communiqué dans lequel le groupe basé à Palo Alto (Californie) jugeait que «personne ne devrait être privé d'accès à internet».

«Bien qu'il ne revienne qu'aux Égyptiens et à leur gouvernement de résoudre leurs différends, priver des millions de personnes d'internet constitue un motif d'inquiétude pour l'ensemble de la planète», a lancé Andrew Noyes, porte-parole de Facebook.

Google et Twitter sont allés beaucoup plus loin. Les deux groupes ont annoncé durant le week-end qu'ils avaient coopéré pour mettre en place un système permettant aux Égyptiens d'envoyer des messages sur le site de microblogues à l'aide d'un téléphone, en contournant le blocage d'internet.

Même le site de vidéos YouTube, qui appartient à Google, s'y est mis. Le site a mis sa chaîne d'information politique CitizenTube à la disposition des Égyptiens souhaitant télécharger leurs vidéos. En prime, certaines retransmissions en direct de la chaîne Al-Jazira sont disponibles sur le site internet.

Ces prises de position ne sont toutefois pas totalement désintéressées, souligne Michael Connor, responsable du magazine en ligne Business Ethics.

Google, Twitter et Facebook «devaient faire quelque chose. Leurs clients attendent d'eux certaines actions», assure M. Connor.

Et les trois grands d'internet peuvent d'autant plus se le permettre qu'ils ne risquent pas grand chose sur le terrain. À l'inverse de grandes entreprises comme Coca-Cola, ils n'ont pas d'employés locaux à protéger et surtout, observe Benjamin Hermalin, «leur portée est mondiale mais ils n'ont presque aucun actif au niveau local».

Coca-Cola aurait lui tout à perdre en adoptant une position similaire.

«Imaginons que Moubarak ou ses partisans restent au pouvoir et que Coca-Cola offre du Coca aux manifestants», lance M. Hermalin. «Quelle est la première chose que (le régime) va faire? Eh bien, il va punir Coca-Cola et nationaliser ses usines».

Rien de tel dans le cas de Google, Facebook et Twitter. La publicité dont ils bénéficient «dépasse largement le risque de mettre en péril leurs affaires en Égypte», insiste Benjamin Hermalin.