La décision du CRTC qui force les revendeurs de services internet à facturer leurs clients selon leur volume de téléchargement suscite un tollé d'un océan à l'autre. Sur la Toile, la résistance est de tous les réseaux; dans les grands médias anglophones, elle emprunte les traits de Steve Anderson, directeur national d'OpenMedia.ca.

« Ce n'est qu'une bataille de plus dans la lutte que mènent les géants canadiens afin de garder le contrôle sur les moyens de communication au pays. Jusqu'à maintenant, ils ont fait plusieurs gestes de façon plutôt discrète, mais là, c'est un grand coup. Ça n'a pas passé inaperçu », dit-il, faisant référence à des services comme Bittorrent, Netflix et Skype, que craignent ces fournisseurs.

Au Canada, internet, télévision et téléphonie sont essentiellement l'affaire des mêmes grandes sociétés, qui voient ces nouveaux venus comme une menace à leur modèle d'affaires. Aux États-Unis, pour une première fois en plus de 30 ans, on pourrait compter moins d'abonnés aux services payants de télévision en 2011 qu'on en comptait en 2010, selon les analystes. C'est une situation que l'industrie canadienne souhaiterait éviter.

Suite à la décision du CRTC de laisser ces derniers imposer des limites à leurs revendeurs, la réaction du public a été plutôt vive. Mise en ligne il n'y a pas une semaine encore, la pétition d'OpenMedia.ca, StoptheMeter.ca, a été prise d'assaut par les internautes, forçant l'organisme de Vancouver à déplacer une partie de ses activités sur d'autres serveurs. Selon M. Anderson, c'est un témoignage éloquent du niveau de mécontentement des Canadiens envers la poignée de grandes entreprises au sommet de l'industrie canadienne des télécommunications.

« C'est ici que les Canadiens ont décidé de tirer un trait dans le sable. Ils toléraient des services coûteux et limités, mais là, ils en ont assez de l'arrogance de ces grosses sociétés. Les Canadiens exigent qu'on revoie la façon dont on fait des communications au pays. »

Un enjeu pour la prochaine campagne électorale?

S'il y a quelque chose à quoi Steve Anderson ne s'attendait pas, c'est la décision du gouvernement fédéral de passer en revue la décision du CRTC. Lundi, le ministre de l'Industrie Tony Clement laissait entendre qu'il y jetterait un coup d'oeil. Mardi après-midi, c'est au tour du porte-parole du Premier ministre Stephen Harper, Dimitri Soudas, d'afficher son intention de réviser cette décision.

Ces deux gestes surviennent alors que le Parti libéral et le NPD ont affirmé être en faveur d'un retour des forfaits d'accès illimité à internet. Bref, à l'aube d'un printemps qui pourrait être ponctué par des élections fédérales, si on se fie aux analystes politiques, la question de la facturation de l'accès internet selon l'usage est en train de devenir un enjeu politique majeur.

C'est l'avis de Steve Anderson, qui a obtenu le soutien prononcé de la CBC, la semaine dernière, à travers son populaire animateur George Stromboulopoulos. La pétition d'OpenMedia lui doit d'ailleurs une bonne partie de sa popularité au Canada anglais.

« Ça se sent, les politiciens sont aux aguets en ce moment, et c'est en train de transformer le débat en un enjeu de la prochaine campagne », estime Steve Anderson, qui voit aussi dans l'actualité des derniers jours des événements qui attisent l'intérêt des Canadiens envers la liberté d'accéder au réseau internet.

« Ce n'est évidemment pas comparable à ce qui se produit actuellement en Égypte, où la situation est bien plus critique qu'ici, mais le rôle que joue le réseau internet dans ce qui se produit là-bas fait réfléchir la population sur l'importance de ce média pour elle », conclut le jeune vancouvérois engagé.