Depuis le début de l'année, les internautes français n'ont plus qu'un mot à la bouche: Quora, réseau social d'un nouveau type, volontairement exigeant et sélectif, où courtoisie, maîtrise du langage et expertise permettent notamment de bannir les affreux «trolls» de la toile.

Quora, fondé fin 2009 aux États-Unis par deux anciens de Facebook, repose sur un système extrêmement simple de questions-réponses.

Ce genre de site existe déjà. Mais là où Yahoo! Answers, par exemple, est envahi par les «trolls», c'est-à-dire tous ceux qui multiplient les messages infantiles, répétitifs, provocants ou insultants, Quora s'enorgueillit d'être vierge de toute pollution.

Pour s'inscrire, il faut déjà être invité par un autre membre, ce qui donne à Quora des airs de site «happy few». Les chiffres qui circulent évoquent 500 000 inscrits, ce qui est peu au regard des géants Facebook ou Twitter.

Ensuite, pas de pseudo: il faut s'inscrire sous sa vraie identité, ce qui rend toute tentative de dérangement plus risquée.

L'anglais est également la seule langue admise. Et gare à celui qui se piquerait d'écrire en français ou en mandarin, ou ignorer syntaxe et l'orthographe de la langue de Shakespeare : la communauté des utilisateurs veille au grain. Le «Yo! Wazzup Dude?» a une durée de vie très limitée.

La communauté surveille aussi attentivement, et c'est là l'essence-même de Quora, la qualité des questions et des réponses.

On doit prendre le temps de répondre - ou de voir si sa question n'a pas déjà été posée -, d'argumenter, de préciser... bref, d'échanger pour proposer et amasser un maximum d'informations pertinentes.

Présentée en territoire vierge de tous les travers infantiles du web, où seule la soif de connaissance, savante ou «geek», lie les inscrits - ce qui n'exclut pas des questions insolites du genre «Qu'est-ce qui se passe si un million de personnes sautent en même temps au même endroit?» - Quora a déclenché l'enthousiasme de nombreux blogueurs influents en France.

Mais cet enthousiasme a déjà eu des effets pervers, car il a attiré en masse les nouveaux utilisateurs et les messages «j'aimerais bien avoir une invitation» ont fleuri. Et pour les puristes, Quora, à peine connu, commence déjà à perdre son âme.