Terrain d'expérimentations narratives, outil de promotion parfois élevé au rang d'art, le vidéoclip a été bouleversé par la crise du disque mais a trouvé sur internet un nouveau lieu d'expression propice aux réalisateurs en herbe.

Le festival Protoclip, dont la 6e édition se tient jusqu'à samedi à Paris avec les pays nordiques à l'honneur, montre la vitalité de ce format dont l'âge d'or remonte aux années 80-90.

Le vidéoclip était alors indispensable pour assurer à un artiste des passages réguliers à la télévision, notamment sur la puissante chaîne musicale MTV. Bénéficiant de budgets conséquents, il attirait de grands noms du cinéma comme Martin Scorsese (pour Michael Jackson) ou Luc Besson (pour Mylène Farmer, Madonna...) et prenait parfois l'allure de court-métrages.

Mais, le clip a subi de plein fouet la crise du disque. «En 5 ans, les budgets des clips ont été réduits de 60%. Aujourd'hui quand on reçoit un budget de 40.000 euros, c'est extraordinaire», note Olivier Bassuet, producteur exécutif chez Partizan et membre du jury de Protoclip.

«Il y a 10-15 ans, il y avait des budgets assez pharaoniques qui permettaient de faire trois jours de tournage, de partir à Los Angeles ou en Afrique, de tourner dans le désert. Aujourd'hui c'est quasiment impossible, la durée d'un tournage s'est réduite à une journée». «Si le manque d'argent n'empêche pas de créer, il atténue fortement l'ambition», déplore-t-il.

Le mode de diffusion a aussi évolué. Confiné sur des chaînes thématiques à la télévision, il a trouvé un nouveau terrain de prédilection sur internet, notamment sur Youtube où «Telephone» de Lady Gaga a dépassé les 100 millions de pages vues et «Baby» de Justin Bieber avoisine les 400 millions.

Comme sur le reste de la toile, artistes et maisons de disques y sont à la recherche du buzz, à l'image d'un Romain Gavras dont les films chocs pour Justice et MIA ont créé la polémique.

«Aujourd'hui, la notion de bon clip est devenue un peu différente, car elle est liée à des valeurs un peu plus racoleuses, à ce que les gens ont envie de voir sur internet : un peu plus de violence, des images qui vont toujours un peu plus loin», indique le réalisateur Yann Lemoine, qui a travaillé avec Yelle, Moby et Katy Perry.

«En tant que réalisateur, c'est bien parce que ça pousse à aller plus loin dans ses retranchements, à chercher des choses plus extrêmes, plus fortes, plus intérieures», juge cet artiste, qui estime que «grandir dans l'économie» a finalement était une «chance».

Malgré la crise, note-t-il, «il y a davantage de réalisateurs qu'avant, car les moyens de faire des clips se sont démocratisés», avec l'arrivée sur le marché grand public d'appareils numériques ayant une qualité d'image professionnelle et les possibilités de diffusion offertes par internet.

Désormais, «des étudiants passionnés arrivent à sortir chez eux de très jolis projets avec leurs propres moyens», souligne M. Bassuet.

Le clip, «où il y a beaucoup plus de liberté que dans la publicité», reste un «outil extraordinaire de création» et «une vitrine pour les réalisateurs», estime-t-il.

Comme Michel Gondry ou Spike Jonze dans les années 90, Romain Gavras, Quentin Dupieux ou Alex Courtes se font désormais un nom au cinéma après avoir fait leurs armes en musique.