Le Times deviendra en juin le premier quotidien britannique à passer au tout-payant sur l'internet, conformément au credo de son propriétaire Rupert Murdoch, qui veut rentabiliser l'information en ligne dans un paysage médiatique en plein bouleversement.

Dans quelques semaines, il en coûtera une livre (1,12 euro) par jour ou deux livres par semaine pour consulter les sites internet du quotidien né il y a plus de deux siècles et de sa version dominicale, le Sunday Times, a annoncé vendredi leur éditeur, News International (NI), filiale du groupe News Corp. de Rupert Murdoch.

Les deux journaux seront les premiers des quatre titres de News International à passer au modèle payant sur la Toile. Le quotidien The Sun et l'hebdomadaire dominical News of The World, des tabloïds à grand tirage, suivront à une date non fixée, a fait savoir Rebekah Brooks, la patronne de News International.

Le Times et le Sunday Times deviendront au passage les premiers journaux nationaux britanniques à adopter un modèle totalement payant sur l'internet, conformément à la stratégie annoncée l'an dernier par Rupert Murdoch, qui veut rompre avec le concept de l'information gratuite en ligne.

Pour l'instant, dans le pays, seul le Financial Times a adopté un modèle partiellement payant, permettant la consultation gratuite d'une dizaine d'articles par mois.

Au sein de News Corp., le site du quotidien financier américain Wall Street Journal est déjà payant, une situation qui remonte toutefois bien avant son rachat en 2007 par le groupe de Rupert Murdoch.

Mais s'il est une première au Royaume-Uni, le passage du Times au modèle payant ne fait qu'illustrer une tendance de fond de la presse mondiale.

Les éditeurs de journaux, confrontés à la chute du lectorat et des recettes publicitaires des quotidiens dans de nombreux pays, tentent par tous les moyens de monétiser leurs contenus sur l'internet ou sur les autres supports numériques (comme l'iPhone et l'iPad) pour redresser leurs comptes.

Beaucoup, réticents à passer au tout-payant par peur de faire fondre leur audience en ligne, se se contentés d'une offre semi-gratuite (ou «freemium»), comme le Financial Times. En France, c'est le cas du Monde, de Libération et depuis peu du Figaro. Aux États-Unis, le prestigieux New York Times a également choisi ce modèle.

Dans ce contexte, News Corp. a lancé une offensive frontale contre la BBC, l'accusant d'étouffer la presse écrite en multipliant les contenus gratuits sur l'internet, avec l'argent du contribuable.

Dans cette épreuve de force, Rupert Murdoch a reçu un soutien surprise vendredi. John Humphrys, un des journalistes et présentateurs de la BBC les plus respectés, a écrit dans les colonnes du Sun pour défendre l'information en ligne payante, y voyant la seule solution pour que les journaux survivent à l'heure du numérique.

Mais la stratégie de Murdoch n'est pas sans risques, selon des experts du secteur. George Brock, professeur de journalisme à la City University de Londres, a jugé «très frappant» qu'il ait osé édifier une «muraille totalement payante» autour des contenus du Times. «Je soupçonne que la plupart des journaux opteront pour un mélange gratuit/payant», a-t-il dit à l'AFP.

Ce virage du Times intervient en plein chamboulement dans le paysage médiatique britannique. Jeudi, l'homme d'affaires russe Alexandre Lebedev, ancien membre du KGB, s'est offert le quotidien The Independent pour une livre symbolique, après avoir déjà mis la main sur le journal londonien du soir Evening Standard, qu'il a rendu gratuit.