L'Internet est aujourd'hui devenu l'une des principales menaces pesant sur les espèces rares. Tel est l'opinion de plusieurs organisations de protection de la nature, qui ont mis en garde dimanche contre le développement sans barrière du commerce illégal en ligne, lors de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) à Doha.

Le commerce en ligne «est l'un des plus grands défis pour la CITES», a expliqué Paul Todd, directeur de campagne à l'ONG International Fund for Animal Welfare (IFAW). «L'Internet est en train de devenir le facteur dominant dans le commerce mondial des espèces protégées (...) Il viendra un temps où le commerce de pays à pays entre gros vendeurs et gros acheteurs sera du passé».

L'impact de l'Internet a été mis en lumière dimanche à la CITES par le biais de deux propositions concernant des espèces menacés: le triton tacheté de Kaiser, une espèce de salamandre du Moyen-Orient, et les coraux rouges précieux.

Les délégués ont ainsi voté l'interdiction du commerce du triton tacheté de Kaiser, une espèce qui, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), a été dévastée par le commerce sur l'Internet. En revanche, une proposition des Etats-Unis et de la Suède visant à réguler le commerce des coraux rouges précieux -utilisés pour fabriquer des bijoux, et très prisés sur le Web- a été rejetée.

L'absence de régulation sur la Toile et la possibilité d'y trouver toutes sortes d'articles -de bébés lions à du vin contenant de l'os de tigre- a considérablement aggravé la situation déjà délicate de nombre d'espèces menacées.

Plusieurs études de l'IFAW ont ainsi montré que plusieurs milliers d'espèces sont vendues en ligne, notamment sur des sites d'enchères et dans des salons de discussions, la plupart du temps aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, en Chine, en Russie et en Australie. Ce commerce est souvent illégal et concerne principalement de l'ivoire d'Afrique et des oiseaux exotiques. Sont également vendues des peaux d'animaux protégés, tels que des ours polaires et des léopards.

En 2009, une campagne menée par l'ONG Campaign Against the Cruelty to Animals a mis en lumière la vente illégale de singes capucins, de bébés lions et d'ocelots en Equateur. «L'Internet ne connaissant pas de frontières, cela pose de nouveaux problèmes sur la protection des espèces en danger», souligne l'organisation dans son rapport.

Le triton tacheté de Kaiser est l'exemple type de l'impact que peut avoir Internet sur une espèce déjà en danger. Selon une étude du WWF, cette espèce de salamandre très rare est très prisée sur le Net. Sur le millier de tritons recensés dans le monde, environ 200 sont vendus chaque année en ligne, la plupart du temps par le biais d'un site basé en Ukraine.

«L'Internet lui-même n'est pas la menace, mais c'est un autre moyen de vendre un produit», a souligné dimanche Ernie Cooper, qui a dirigé une enquête sur le triton pour l'organisation TRAFFIC Canada. «Le triton tacheté de Kaiser, par exemple, est cher, mais peu de gens sont près à payer 300 dollars (220 euros) pour une salamandre. Mais, grâce à l'Internet, on peut trouver des acheteurs sur le marché mondial».

Les coraux rouges précieux recouvrent 32 espèces des eaux profondes de Méditerranée et sont pêchés pour fabriquer des bijoux en Italie ou en Chine, selon l'organisation de protection maritime SeaWeb. C'est l'espèce de corail la plus chère et la plus vendue au monde, mais elle ne bénéficie pour autant d'aucune protection internationale.