Une accusation d'incitation publique à la haine pourrait être portée contre l'auteur d'un blogue antiféministe, Jean-Claude Rochefort, déjà inculpé d'avoir proféré des menaces de mort à l'endroit des femmes. 

Or, son avocat, Me Guillaume Langlois, s'y oppose arguant que «les femmes en général ne sont pas un «groupe identifiable» au sens de la loi comme le sont les homosexuels ou les Juifs.

L'homme de 61 ans devait subir ce matin son enquête préliminaire au palais de justice de Montréal. La Couronne a alors annoncé qu'elle comptait déposer une nouvelle accusation d'incitation publique à la haine, ce à quoi s'est vivement objecté la défense.

Plutôt que de déposer cette nouvelle accusation, la Couronne a ainsi préféré laisser à un juge le soin de trancher si les femmes sont un «groupe identifiable» ou non. C'est que l'article 319 du code criminel définit un «groupe identifiable» comme une section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion, l'origine ethnique ou l'orientation sexuelle.

«Dans son blogue, M. Rochefort cible les lesbiennes à certains moments. Les mères de famille, à d'autres. Je pense que les femmes, qui représentent 50% de la population, sont visées», a indiqué la procureure de la Couronne, Me Cynthia Gyenizse, à la juge de la Cour du Québec Hélène Morin, ce matin.

Selon les recherches de la Couronne, cette affaire judiciaire est rare - voire unique - au Canada, si bien que la poursuite n'avait pas de jurisprudence à présenter.

Le site Internet du Montréalais fait l'apologie de Marc Lépine, l'auteur de la fusillade survenue à la Polytechnique en décembre 1989 qui a tué 14 femmes, selon la preuve. Rochefort utilisait des pseudonymes pour alimenter son site.

Le blogueur a reçu plusieurs avertissements de la part de la police de stopper ses menaces sur son site Internet avant d'être arrêté le 4 décembre dernier, soit deux jours avant les commémorations entourant le 20e anniversaire de la tragédie de Polytechnique. Une arme à feu, de type arme de collection datant du siècle dernier, a été trouvée chez lui. Rochefort a été accusé de possession illégale d'arme à feu.

Le mois dernier, le juge Claude Leblond a refusé de lui accorder une remise en liberté, qualifiant l'accusé de «bombe à retardement». Ce matin, son avocat, Me Langlois, a annoncé qu'il entendait demander à nouveau la libération de son client à la lumière de «faits nouveaux» non spécifiés. M. Rochefort était assis dans le box des accusés, l'air impassible. Plusieurs militantes féministes se sont déplacées pour assister à l'audience.

L'avocat de défense entend présenter ses arguments le 6 avril. À cette date, la juge Morin décidera également si Rochefort sera cité à procès en vertu de l'accusation d'incitation publique à la haine ou uniquement sous le chef de menaces de mort.