Accusée par ses rivaux de concurrence déloyale, sommée par le gouvernement de réduire son train de vie, la BBC a annoncé mardi une cure d'austérité sans précédent qui prévoit notamment la suppression de deux radios et une réduction de son site internet.

Considéré comme le plus grand projet de réformes de l'histoire de la radio-télévision publique britannique, ce plan envisage la suppression des radios numérique BBC 6 Music et Asian network. Elles devraient cesser d'émettre fin 2011, a annoncé le directeur-général Mark Thompson à ses employés au siège de la «Beeb» à Londres, dans une atmosphère houleuse.

Le budget d'un des fleurons du groupe, le service internet BBC-Online -l'un des plus fréquentés d'Europe- va être amputé de 25%. La moitié de ses pages devraient être supprimées d'ici 2013.

Le groupe envisage également de limiter ses dépenses pour l'acquisition de droits de retransmissions sportives ou d'émissions à l'étranger. Il veut aussi supprimer plusieurs émissions à destination des adolescents pour laisser ce créneau à la chaîne privée Channel Four.

Ces coupes devraient permettre de dégager quelque 660 millions d'euros qui seront investis dans de nouveaux programmes, a précisé M. Thompson.

Ce «rapport stratégique» intitulé «Donner la priorité à la qualité», va être soumis au conseil de surveillance du groupe, le BBC Trust. Il donnera également lieu à une consultation publique pendant douze semaines.  

La vénérable British Broadcasting Corporation (BBC), embarquée dans une ambitieuse révolution numérique, tire l'essentiel de ses revenus de la redevance. Une manne de quelque 3,7 milliards d'euros qui suscite l'envie, et la colère, de ses concurrents privés, alors que le marché publicitaire se ratatine pour cause de récession.  

Le conglomérat News Corp de Rupert Murdoch (The Times, The Sun...), qui cherche à rendre payantes ses informations en ligne, a ainsi critiqué l'accès gratuit au site internet foisonnant de la BBC, financé par le contribuable.

«Tous les contenus en ligne doivent apparaître justifiés et pertinents, ni superflus ni encyclopédiques, et dans le cadre d'un vrai projet éditorial», prévient le rapport publié mardi.

L'annonce de ce plan d'austérité a été immédiatement dénoncée par les syndicats qui craignent jusqu'à 600 suppressions de postes et menacent de grève en cas de licenciements forcés.

«Il n'est pas acceptable que la BBC offre des services et des emplois en sacrifice avant les élections», a commenté le secrétaire général du syndicat Bectu, Gerry Morrissey, qui dénonce des mesures «totalement inutiles et purement politiciennes».

Selon la presse, ce rapport vise à adresser un message aux Conservateurs, longtemps donnés favoris pour succéder à Gordon Brown aux prochaines élections législatives d'ici juin, et réputés vouloir geler le budget de la BBC s'ils arrivent au pouvoir.  

Le ministre de la Culture Ben Bradshaw a salué les efforts de la radio-télévision publique pour réduire ses dépenses, comme l'y invitait le gouvernement travailliste depuis plusieurs années.

«Je salue le fait que la BBC réfléchit sérieusement à ce qu'elle fait et à ses futures priorités», a-t-il réagi. Avant de lancer une mise en garde: «la BBC est un atout magnifique et ne devrait pas envisager son avenir en partant du principe que les Conservateurs, qui sont viscéralement hostiles à la BBC, vont remporter les élections».

La BBC, qui malgré de récents scandales reste une institution chère aux Britanniques, pourrait ainsi devenir malgré elle l'un des enjeux politiques des prochaines législatives. Les derniers sondages donnent le Labour de Gordon Brown et les Tories de David Cameron au coude à coude.