Le concept d'avatar, double de soi-même dans l'univers virtuel, au coeur du succès mondial de James Cameron, fait partie du quotidien de nombreux internautes et passionne les chercheurs.

Dans le film Avatar, Jake Sully, ex-Marine paralysé, pilote à distance, grâce à son cerveau, son avatar, un être identique aux autochtones de la planète Pandora, les Na'vi. Il finit par être en totale adéquation avec cet avatar et prend son autonomie dans le corps de ce double.

De nombreux internautes ont un avatar sur internet. «Plus de 40% des collégiens et lycéens» en 2009, selon une récente étude, citée par Laurent Trémel, sociologue et spécialiste des jeux vidéo.

«Opposés à leurs parents, professeurs, beaucoup d'entre eux, comme certains jeunes adultes en état de précarité, ne peuvent pas se construire de marqueurs identitaires stables dans la vie réelle alors que leur identité virtuelle peut être très valorisante», explique M. Trémel.

«On vit une vie parallèle à la sienne, on est magicien, guerrier, poursuit-il. On exploite, on développe un personnage susceptible d'influencer durablement l'univers comme dans le film» (Jake Sully «sauve» Pandora et son peuple, attaché à la nature, de l'emprise de ses anciens compatriotes, les humains).

«Certains internautes passent des heures sur le net chaque jour, connectés à une communauté planétaire de masse. Leur avatar peut même avoir une vie autonome pendant quelque temps après leur déconnexion. C'est un peu la vie rêvée des gens grâce à la technologie», souligne Pierre Chevaillier, directeur du centre européen de réalité virtuelle (Cerv) à Brest.

Un concept qui interpelle

«Le concept d'avatar nous interpelle beaucoup», explique M. Chevaillier.

Car, si avoir son double sur Second Life (programme informatique permettant de créer des univers virtuels en 3D, ndlr) ou dans les jeux video est assez fréquent, ce qui intéresse les chercheurs «c'est le moment où l'avatar, utilisé dans de nombreux domaines d'application, gagne en autonomie au point d'échapper à son créateur», poursuit-il.

«C'est la notion d'intelligence artificielle, souvent utilisée au cinéma. On peut imaginer un avatar qui travaille à notre place, un avatar qui pourrait acheter des choses sur internet, s'introduire dans des systèmes informatiques... Bien sûr, cela pose un tas de questions éthiques, juridiques, philosophiques», souligne-t-il.

«On ne peut pas modèliser un être humain en entier mais le grand public est très réceptif à l'environnement virtuel, complémentaire du monde réel», tempère Philippe Fuchs, professeur à l'école des Mines (Paris Tech) et spécialiste de la réalité virtuelle.

L'école des Mines travaille actuellement sur un projet «avatar» dans le domaine médical pour aider les victimes d'AVC ou de traumatismes crâniens à se réadapter à leur environnement.

«Réapprendre à se faire un café par exemple... Grâce à un avatar, on se projette dans une cuisine virtuelle et on commande les gestes de son avatar».

D'autres utilisations existent dans le domaine de la formation. Pierre Chevaillier cite le cas de programmes pour apprendre à parler en réunion ou passer un entretien : «un élève avatar entre en interaction avec un autre personnage virtuel, très humain».

Des programmes ont aussi été conçus pour l'entraînement des sapeurs-pompiers avec «des avatars et leurs coéquipiers avatars en exercice de sécurité».