Google, héroïque ou pragmatique? Depuis sa menace de quitter la Chine, à cause de la censure locale et des cyber-attaques, médias et analystes soulignent que le géant américain de l'internet n'a jamais réussi à véritablement s'imposer sur ce marché prometteur.

Zhao Fang, étudiant à Pékin, reconnaît avoir une certaine admiration pour l'américain depuis son coup d'éclat, la semaine dernière. Ce n'est pas pour autant qu'il va abandonner le moteur de recherches chinois Baidu.

Ce dernier «convient mieux à l'internaute chinois», explique-t-il dans le cybercafé où il s'est installé pour surfer sur les sites d'emplois.

«Je n'ai jamais été très à l'aise sur Google», dit-il.

Baidu lui semble beaucoup plus facile et davantage adapté à ses besoins.

Le moteur chinois a la réputation de mieux répondre aux recherches d'information locale et de certains contenus, comme le téléchargement de musique ou l'accès à des forums de discussion, très prisés dans ce pays, étant l'un des rares vecteurs de l'expression publique.

Une majorité de ses compatriotes partagent ce point de vue: Baidu est crédité de 58,4% du marché de la recherche en ligne quand Google, n°1 mondial mais seulement n°2 local, n'en obtient que 35,6%, selon les dernières estimations de la société Analysys International.

Certains prêtent des arrière-pensées à Google, d'autant que l'américain a admis par le passé que la Chine pesait peu dans son chiffre d'affaires.

«Cela n'aurait pas été pareil si Google faisait des milliards et des milliards de dollars», estime Jeremy Goldkorn, analyste de l'internet en Chine.

Après plus de 30 ans d'ouverture, les étrangers sont toujours mal placés dans certains secteurs. Les raisons sont parfois culturelles, linguistiques, mais aussi règlementaires, certaines législations étant vues par les étrangers comme un frein à leur développement.

Cependant, le secteur des médias, strictement contrôlé par les autorités pour des raisons politiques, est l'un des domaines les plus difficilement abordables.

«C'est très dur, c'est l'un des environnements les plus hostiles au monde pour les étrangers, groupes de médias et entreprises internet», dit M. Goldkorn.

Certains sont tout simplement bloqués comme trois des plus grands noms mondiaux de la Toile, le site de partage de vidéos de Google, YouTube, le site de micro-blogs Twitter et le réseau social Facebook.

Pour tous, le marché chinois et ses 384 millions d'internautes est théoriquement alléchant, mais demande des efforts d'intégration importants, afin de ne plus être perçu comme «l'étranger» en concurrence avec des acteurs nationaux bien implantés, connaissant mieux les besoins de leurs compatriotes.

«Par le passé, Google n'aimait pas dépenser en publicité ici, comme s'il était de toute façon assez puissant et n'en avait pas besoin. Mais c'est une autre affaire en Chine!» souligne Edward Yu, chef de la recherche d'Analysys International.

Surtout avec un Baidu qui ne regarde pas à la dépense pour cultiver son image de premier moteur «chinois».

Si Google devait se retirer aujourd'hui, des experts soulignent qu'il aurait du mal à faire son retour le jour où l'environnement deviendra plus favorable, avec un assouplissement du contrôle de l'internet.

«S'il revient plus tard, les problèmes d'aujourd'hui seront toujours là. Il faudra bien qu'il se décide à y faire face et s'adapter», dit Yu.