La menace du géant de l'internet Google de se retirer du marché chinois illustre les difficultés des groupes étrangers qui doivent se plier à la censure de la «Grande Muraille de feu», ont estimé mercredi des analystes.

S'il se retire du pays avec la plus grande population d'internautes au monde -338 millions-, cela pourrait être cependant une bonne opération, puisqu'il n'a jamais réussi à s'imposer face à ses rivaux locaux, jugent-ils.

«C'est un environnement politique très lourd», dit à l'AFP Duncan Clark, analyste chez BDA à Pékin.

«Les multinationales se plaignent des politiques "Achetez chinois", des restrictions injustes et des attaques informatiques, et cela sera très dommageable s'il n'y a pas de solutions», ajoute-t-il.

Google a affirmé avoir été la cible d'assaillants dont le but était d'accéder aux comptes internet Gmail de militants chinois des droits de l'Homme. En réponse, il a annoncé reconsidérer sa présence dans le pays et la fin de la censure des recherches sur google.cn.

Pékin est soucieux de ne pas laisser la contestation fleurir sur la Toile.

Mercredi, il était exceptionnellement possible d'obtenir des photos et des résultats avec des sujets sensibles sur le dalaï lama et la répression du mouvement démocratique de Tiananmen, comme la célèbre photo de «homme au char».

Le gouvernement chinois cherche à obtenir des clarifications de Google, qui emploie quelque 700 personnes en Chine, a déclaré mercredi un responsable officiel sous couvert de l'anonymat à l'agence Chine Nouvelle.

Pour certains, la décision de Google d'exprimer publiquement son mécontentement signifie que Pékin a fermé la porte à des discussions supplémentaires, montrant une position plus dure envers les compagnies occidentales.

«On sent que la Chine s'enhardit et qu'elle n'a pas la même nécessité de dialogue qu'avant» avec les firmes étrangères, dit M. Clark.

Microsoft et Yahoo! n'étaient pas immédiatement joignables.

Pékin surveille étroitement l'internet, employant à cet effet des dizaines de milliers de personnes afin d'empêcher ses citoyens d'accéder à des informations politiques sensibles?

Pour contourner la «Grande muraille de feu» chinoise, il est cependant possible, pour les plus ingénieux, d'avoir recours à des proxys ou à des VPNs (virtual private networks).

Pour Elinor Leung, analyste chez Crédit Lyonnais Securities Asia à Hong Kong, le départ du président de Google, China Kai-Fu Lee, en septembre pourrait avoir contribué à la détérioration du climat.

Selon elle, Lee avait réussi à «adoucir les liens avec le gouvernement» après que Pékin eut accusé la société de ne rien faire pour lutter contre des sites ou contenus pornographiques.

D'un point de vue commercial, Google a lutté désespérément pour récolter des parts de marché face à son rival Baidu, obtenant 35,6% contre 58,4% au moteur de recherches chinois pour le dernier trimestre 2009, selon des chiffres de Analysys International.

Pour Shaun Rein, directeur général de China Market Research Group à Shanghai, les menaces ne pourraient être qu'une excuse.

«Google cherche à sortir de Chine sans perdre la face», dit Rein.

Russell Leigh Moses, analyste politique basé à Pékin, juge que «plus Google répondait aux demandes du gouvernement chinois, plus il apparaissait faible».

«C'est surprenant de voir qu'il a fallu aussi longtemps aux dirigeants de Google pour s'apercevoir que leur société était comme les autres dans un marché encore dominé par la politique», dit-il.

Li Zhi, analyste chez Analysys International, s'inquiète d'un départ qui placerait Baidu en situation de monopole à court terme, «ce qui n'est pas bon pour le développement général du marché des moteurs de recherche».