Internet, GPS et bientôt nanotechnologies: les données privées de millions d'utilisateurs sont utilisées souvent à leur insu et l'idée d'un «droit à l'oubli», réclamé par les défenseurs des libertés publiques, commence à faire son chemin.

«Les informations que nous disséminons sur notre vie privée de manière volontaire ou non sont de plus en plus nombreuses et sont parfois préjudiciables, notamment à l'embauche», a relevé jeudi la secrétaire d'Etat au Développement de l'économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, lors d'une rencontre avec des représentants de réseaux sociaux (Facebook), de moteurs de recherches (Google) ou encore du géant Microsoft.

Elle a annoncé le lancement d'une «charte d'engagements» des professionnels pour définir de «bonnes pratiques communes».

«Difficile de passer à côté des réseaux sociaux pour le recrutement», reconnaît Alain Gavand, président de l'association de recruteurs «A compétence égale», évoquant les «dérapages» de certaines sociétés qui enquêtent sur la vie privée.

Selon une étude américaine récente, 45% des employeurs ont scruté internet pour trouver des informations sur les candidats en 2009 et 35% ont reconnu en avoir écarté en raison de photos ou vidéos jugées «provocantes».

L'internaute devient par ailleurs l'objet d'un «ciblage» de plus en plus précis des annonceurs dont les investissements dans la publicité sur internet s'accroissent (5% à 16,4% en cinq ans en France).

D'autant que les leaders du monde numérique, Google, Yahoo et Microsoft, se retrouvent de plus en plus souvent avec la double casquette de fournisseurs d'accès et de contenus - et donc de collecteurs potentiels de données privées - et d'annonceurs.

«Nous jouons la transparence et nous n'utilisons pas les données à l'insu des utilisateurs», assure Peter Fleischer, responsable de la protection des données personnelles chez Google.

Même tonalité chez Facebook: «nous sommes en constante amélioration», dit Richard Allan, directeur Europe. Son groupe vient, sous pression du gouvernement canadien, de renforcer la possibilité pour l'internaute de supprimer les informations le concernant.

Microsoft prône lui la création de documents périssables qui s'autodétruiraient à la date de péremption.

La présidente de l'association de consommateur CLCV Reine-Claude Mader dénonce, elle, «un réel marché de la captation des données à l'insu des internautes qui est en train de s'installer» et soupçonne «une certaine tolérance du gouvernement pour des raisons économiques».

Il n'y a pas de «réelle volonté du gouvernement de protéger les données privées car il envie le système américain et son réseau Echelon de surveillance globalisé de tous les moyens de communication», avance une autre source au sein d'une association de consommateurs.

Inquiet, le président de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), Alex Türk, demande la «reconnaissance d'un droit constitutionnel à l'oubli» qui protégerait notamment «le droit à l'intimité» de chacun.

En tant que président du groupe des CNIL européennes, il qualifie de «pas historique» l'adoption à Madrid début novembre d'une résolution visant à établir des standards internationaux sur la question.

«Il y a un problème de traçage physique dans l'espace, avec la vidéo-surveillance, la géolocalisation des personnes et des biens et les nanotechnologies qui permettront dans moins de dix ans de transmettre des informations par des puces invisibles à l'oeil nu», s'alarme M. Türk.

«Si dans les réseaux ou dans la rue, on peut entrer dans votre intimité sans votre accord (...), la vie devient insupportable».