De plus en plus populaires mais pas encore rentables, les sites de musique en streaming (flux continu) tentent de convertir une partie de leur public en abonnés payants, poussés par la filière musicale qui y voit un enjeu pour l'avenir du secteur.

Deezer, Spotify, Wormee, Qobuz, Jiwa... les sites de streaming se sont multipliés en France, apparaissant aux yeux du secteur comme une parade face au piratage sur internet.

Financés par la publicité, ils permettent d'écouter gratuitement de la musique sur internet, sans la télécharger et en toute légalité. D'abord réticentes, les maisons de disques ont progressivement signé des accords avec ces nouveaux venus, mettant à disposition leur catalogue contre un pourcentage de leur chiffre d'affaires.

Dans un marché du disque en berne (-9,3% sur les neuf premiers mois de 2009), les revenus issus du streaming ont été multipliés par trois entre janvier et septembre 2009, par rapport à la même période de 2008.

Mais ils restent encore limités. Le streaming n'a rapporté à l'industrie phonographique que 7 millions d'euros (11 millions de dollars) sur la période, contre 27 millions d'euros (43 millions de dollars) pour les revenus du téléchargement et 291,7 millions d'euros (464 M$)pour les ventes physiques.

La plupart des sites font désormais le pari de convertir une partie de leurs adhérents en abonnés payants, pour consolider un modèle économique fragile.

Deezer, le leader français du secteur, a annoncé jeudi le lancement d'une offre payante à 9,99 euros par mois, qui permettra à l'internaute d'avoir accès à ses morceaux préférés aussi bien sur son téléphone portable que sur son ordinateur, sans publicité avec un son haute qualité.

Il compte parvenir à la rentabilité au premier semestre 2010, contre 3 millions d'euros de pertes actuellement.

Son principal concurrent, le suédois Spotify, propose aussi un abonnement premium à 9,99 euros, permettant l'écoute sur mobile, tandis que Qobuz a inauguré un service payant axé sur la qualité du son. Adossé à Orange, Wormee, qui mise sur son aspect communautaire et l'organisation d'événements avec des artistes, devrait prochainement se lancer.

Les sites de streaming sont poussés par la filière musicale, qui y voit un moyen d'augmenter la rémunération des ayants-droits.

L'étiquette Believe Digital avait ainsi menacé Deezer de ne plus mettre son catalogue à disposition s'il ne lançait pas une offre d'abonnement.

«Sur la partie gratuite de Deezer ou de Spotify, on touche 0,01 euro pour 1.000 écoutes. Sur abonnement sur Spotify, on touche 2 à 5 centimes d'euros par écoute. On pense qu'on peut construire dessus un modèle viable», expliquait récemment le président de Believe, Denis Ladegaillerie.

Les maisons de disques toucheront environ 60% des revenus issus de l'offre d'abonnement de Deezer, contre 50% des revenus publicitaires issus du streaming, a précisé le cofondateur du site Jonathan Benassaya, selon qui le montant de 9,99 euros était «le prix minimum acceptable» par les labels.

Reste à savoir combien d'internautes sont prêts à payer. Deezer, qui revendique 11 millions d'inscrits et 6,5 millions de visiteurs uniques par mois, table sur 100.000 abonnés d'ici la fin 2010.

«C'est vraiment un pari», estime David El Sayegh, le directeur général du Snep (principal syndicat de producteurs), rappellant que «quand Canal" s'est lancé en 1984 personne ne croyait que des gens étaient prêts à payer pour de la télévision». «Mais, eux n'avaient pas à faire face à une offre illégale», ajoute-t-il.