Tout le monde y est : vos amis, vos enfants, vos collègues, votre patron et vos parents. Il existe une espèce de plus en plus rare, mais dont on trouve encore quelques spécimens : ceux qui ont choisi de résister à la vague Facebook.

La plupart des amis de Vedrana Cvjetkovic sont membres de ce réseau social. Ils s'échangent des photos et publient quotidiennement leurs états d'âme, mais n'y voient jamais ceux de Vedrana. À 25 ans, la jeune femme n'a aucun intérêt pour ce site de réseautage social. Ni pour aucun autre.

Selon un sondage SOM réalisé l'été dernier au Québec, elle fait partie d'une minorité. Dans le groupe d'âge des 25-34 ans, 53% des gens ont dit être membres de Facebook. Chez les 18-24 ans, 7 personnes sur 10 s'y sont inscrites.

Cet engouement pour le site n'ébranle pas Vedrana Cvjetkovic. «Je m'en moque. Si je veux savoir ce que font mes amis proches, je vais les appeler», dit-elle.

Ses amis de l'université ont bien tenté de la convaincre de se joindre au réseau. «On me disait: pourquoi tu ne t'inscris pas? Au travail aussi, on me le demande. Mais j'ai un téléphone et une adresse courriel. Si on veut me joindre, il n'y a qu'à passer par là.»

Pour sa part, Rémi Vaillancourt, 18 ans, se définit comme un «anti-Facebook». Même s'il estime que «99%» de ses compagnons au cégep sont inscrits au site, il refuse de les imiter.

«Je trouve que c'est une perte de temps. C'est inutile. Il y a bien d'autres moyens pour parler aux gens et prendre de leurs nouvelles», dit-il. Peu de choses pourraient le faire changer d'avis. Mais il concède qu'il a parfois «manqué des choses», qu'il est arrivé qu'une nouvelle ne parvienne pas jusqu'à lui.

Bien qu'il ne soit pas abonné à Facebook, Louis Laferrière n'a pas l'impression de manquer quoi que ce soit.

«Parfois j'apprends les choses en retard, mais je finis par les apprendre quand même. Ce n'est pas ça qui m'exclut», dit l'élève en quatrième secondaire.

Le titulaire de la chaire Bell en recherche sur les technologies émergentes a étudié l'utilisation des nouvelles technologies chez les jeunes. Souvent, dit-il, elles servent davantage à confirmer un statut qu'à transmettre des informations importantes.

«La majorité des choses qui circulent sur les réseaux sociaux n'ont pas une valeur de vie ou de mort, dit André Caron. C'est beaucoup moins le contenu qui compte que la confirmation: t'es mon ami, je veux te parler.»

Il a notamment étudié le rapport des jeunes au téléphone cellulaire. Parmi ceux qui n'en possédaient pas, il a relevé deux catégories qui peuvent, selon lui, s'appliquer aux utilisateurs de réseaux sociaux.

«Il y en a qui se définissaient comme isolés et qui ne voulaient pas le confirmer auprès de leur entourage. Un cellulaire qui ne sonne pas, ça confirme qu'ils ne sont pas populaires. Et il y a ceux qui sont très indépendants, très autonomes, et qui ont d'autres façons de communiquer.»

Louis Laferrière tend à se classer dans cette seconde catégorie.

«Je ne me sens pas à part, ce n'est pas ce qui m'empêche de socialiser, dit-il en riant. Je préfère parler aux gens.»