Environ 20% des Québécois qui utilisent l'internet en profitent pour exprimer des frustrations. Et si, en diffusant une opinion en ligne, ils dépassaient les bornes? La frontière entre la liberté d'expression et la diffamation est difficile à tracer. Tant et si bien que TD Assurance offre maintenant une protection aux internautes en cas de poursuite.

«Tu devrais venir. Qui a dit que dormir dans un logement moisi était mauvais pour toi? Horizon pense qu'il n'y a pas de problème.»

 

La remarque, lancée en mai sur le réseau Twitter, était presque banale. Amanda Bonnen invitait «JessB123» à la rejoindre, écorchant au passage l'entreprise propriétaire de son logement.

Le message s'adressait aux 20 personnes abonnées aux réflexions d'Amanda. Le commentaire a toutefois laissé des traces sur l'internet. Et Horizon Group Management n'a pas apprécié.

La jeune femme de Chicago fait désormais face à une poursuite de 50 000$ pour avoir «malicieusement» diffusé des propos diffamatoires au sujet de l'entreprise.

L'affaire se déroule aux États-Unis, dans un système juridique différent, mais la question du litige sur l'internet est d'actualité même au Canada, estiment François Giroux et David Gray, avocats associés en litige au cabinet McCarthy Tétrault, à Montréal.

«Il ne faut pas oublier que sur l'internet, sur Facebook ou ailleurs, on laisse des traces, et que ces traces peuvent être reprises par d'autres. Ce phénomène ne change pas le droit, mais il peut entraîner certains défis dans l'application du droit. Ça, c'est nouveau», explique Me Gray.

Ces derniers jours, TD Assurance a mené une campagne au Canada au sujet des commentaires sur l'internet et des risques de dérapage. L'entreprise en profite pour annoncer aux internautes que son assurance responsabilité civile (complémentaire à l'assurance habitation) apporte une protection pour «défendre les clients qui se sont mis dans de fâcheuses situations par suite de quelques frappes du clavier».

Les internautes sont-ils, sans le savoir, sur la corde raide? Au Canada, il n'y a pas d'explosion de ce type de bataille judiciaire, tempère Me Giroux. Il ajoute que pour se protéger eux-mêmes, les internautes ont toutefois avantage à demeurer courtois en ligne, comme ils le seraient sur la place publique. Lorsqu'ils émettent une opinion négative, ils se doivent aussi d'éviter de déformer les faits.

«Les gens qui veulent exprimer des opinions sur l'internet ne devraient pas penser qu'en faisant des commentaires anonymement, tout à coup les règles changent parce qu'ils sont protégés. On n'est pas plus protégés sur l'internet qu'ailleurs. Il y a là un faux sentiment de sécurité.»

Culture du commentaire

D'après le sondage mené pour TD Assurance, 9% des internautes affirment avoir des opinions plus arrêtées lorsqu'ils sont derrière leur écran. Les sites de critiques comme TripAdvisor (pour les voyageurs) et RateMyTeachers (pour les élèves et les étudiants) présentent des milliers de commentaires négatifs.

«Elle est horrible. Elle gueule tout le temps», affirme un élève au sujet d'un professeur d'art dans un collège privé de Montréal. Les propos sont négatifs, mais pourraient-ils valoir des ennuis à l'auteur anonyme?

Sans se prononcer sur ce cas précis, l'avocat François Giroux indique qu'il est impossible de déterminer avec précision ce qui est diffamatoire et ce qui ne l'est pas. «Quand on se commet publiquement, il y a toujours un risque théorique de diffamation. Après, tout est affaire de contexte et de circonstances. Il n'y a pas de réponse qui s'applique à toutes les situations.»

Vincent Gautrais, professeur de droit et titulaire de la Chaire en droit des affaires et de la sécurité électronique à l'Université de Montréal, appelle toutefois à une certaine souplesse de la part des personnes ou entreprises visées par des commentaires négatifs.

«Il y a une tendance un peu énervante qu'ont les juges de reconnaître la diffamation, dit-il. On vit dans une société un peu moumoune. Sur RateMyTeachers.com, j'ai eu des commentaires qui n'étaient pas bons sur certains de mes cours. Eh bien, c'est correct. Que ce soit vrai ou pas, en tant que personne publique, on doit autoriser une certaine liberté d'expression.»

 

 

75% des Canadiens disent avoir le même comportement en ligne qu'en personne

9% disent avoir des opinions plus arrêtées sur l'internet

53% des Canadiens écrivent en ligne pour partager une opinion au sujet d'une expérience

6% des Canadiens admettent faire du commérage sur l'internet

29% des internautes âgés de 18 à 34 ans disent avoir déjà regretté des propos émis en ligne (contre 16% des 35 à 54 ans et 5% des 55 ans et plus)

27% des Canadiens qui émettent des commentaires en ligne ne se croient pas légalement responsables de leurs propos

*D'après un sondage d'Angus Reid Strategies mené pour TD Assurance auprès de 1001 Canadiens d'âge adulte. La marge d'erreur, qui mesure la variation de l'échantillonnage, est de 3,1 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

 

DES MÉGACOMMUNAUTÉS

> Facebook: 300 millions de membres.

> Twitter: 6 millions de visiteurs uniques chaque mois.

> RateMytTeachers.com: 10 millions de commentaires sur plus d'un million de professeurs de six pays, dont le Canada.

> TripAdvisor: 36 millions de visiteurs chaque mois, et plus de 25 millions de critiques.