À l'image du .eh, revendiqué à la fois par le Sahara occidental et le Maroc, ou du .tv, très lucratif pour les îles Tuvalu, les extensions sur internet représentent de vrais enjeux pour certains États.

Aux côtés des extensions «génériques» comme le .net ou le .com, qui domine le marché avec 82 millions de noms de domaine (afp.com, etc.), quelque 250 extensions géographiques existent aujourd'hui.

Avec le .de, l'Allemagne mène la danse (13 millions), suivi du .cn chinois (12,5 millions) et du .uk du Royaume-Uni (7,8 millions). Le .fr vient, lui, d'atteindre les 1,5 million.

«L'extension internet est devenue au fur et à mesure de l'évolution de l'internet une vraie extension de l'identité nationale», note Stéphane Van Gelder, directeur général d'Indom, une société spécialisée dans l'enregistrement des noms de domaine.

Avec la naissance de nouveaux Etats, de nouvelles extensions voient ainsi le jour, comme le .rs lancé en mars 2008 par la Serbie, et qui a pris la suite du .yu de la Yougoslavie.

«Pour les pays, les extensions sont souvent perçues comme stratégiques, comme un enjeu d'intérêt national», affirme Loïc Damilaville, adjoint au directeur général de l'Afnic, l'association qui gère le .fr.

De fait, certains Etats, privés des leurs, tentent de les récupérer, à l'image des Philippines avec le .ph, détenu par un particulier.

«A la fin des années 1980 et au début des années 1990, l'internet était encore très peu développé, il n'y avait guère que les universités et les centres de recherche qui s'y intéressaient», explique M. Damilaville.

Aucune véritable organisation n'était alors en place et les extensions étaient attribuées par un scientifique américain, Jon Postel.

«Beaucoup de pays en développement n'ont pas fait de demande avant la fin des années 1990: ils se sont alors rendu compte qu'elles avaient été prises» par des entrepreneurs locaux qui avaient commencé à les exploiter, ajoute-t-il.

L'enjeu pour les Etats peut aussi être davantage politique: le .eh est ainsi revendiqué depuis 2007 à la fois par le Front Polisario, qui réclame l'indépendance du Sahara occidental, et le Maroc, qui veut continuer à administrer le territoire.

Le gestionnaire mondial de l'internet, l'Icann, «n'a toujours pas pris position. Elle ne peut pas trancher un conflit, qui n'est pas un conflit internet, mais un conflit politique», estime M. Van Gelder.

L'extension peut également être une source de revenus non négligeables pour certains pays, qui entendent exploiter sa signification.

Les îles du Tuvalu ont ainsi chargé une société américaine --avec qui elles partagent les profits-- de faire fructifier leur .tv, utilisé comme diminutif de télévision.

Conséquence: "ce petit archipel de l'Océan Pacifique, qui n'avait presqu'aucune rentrée financière, s'est retrouvée avec une manne inattendue et a pu se développer", note M. Van Gelder.

Autre exemple: le .me lancé en mai 2008 par le Monténégro. «Son extension veut dire  "moi" en anglais et sur les quelque 200.000 .me qui existent, 70% ont été déposés par des anglophones», s'amuse M. Damilaville.

Pour autant, tous ne rencontrent «pas le même succès», souligne-t-il, en donnant l'exemple du Surinam qui tente péniblement de vendre son .sr pour les sites destinés aux seniors.

Plus malicieux encore: le Cameroun a essayé, selon M. Van Gelder, d'utiliser la proximité de son .cm avec le .com pour profiter des fautes d'orthographe des internautes, orientés ainsi vers des pages de publicité gérées par le gouvernement.

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