Déplacer des objets virtuels ou réels, écrire ou jouer uniquement par la pensée: c'est devenu possible grâce à OpenVIBE, premier logiciel français d'interface cerveau-ordinateur dont les inventeurs espèrent faire un standard international.

L'utilisateur, assis devant un écran, a des électrodes placées à des points précis sur le cuir chevelu, qui correspondent à des centres de la motricité dans le cerveau: le sommet du crâne commande les pieds, le contrôle de chaque bras est localisé dans l'hémisphère opposé.Les électrodes envoient des signaux au logiciel, qui commence par les filtrer, pour éliminer les signaux parasites issus de l'activité musculaire de la tête, puis à extraire les informations utiles et à les trier.

Lors d'une démonstration pour la presse mercredi au siège de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à Paris, le but était de faire décoller un vaisseau spatial par la seule force mentale, comme dans le film «La guerre des étoiles».

Pour cela, l'utilisateur, choisi par les démonstrateurs, a d'abord bougé les pieds, ce mouvement étant capté au niveau du cerveau. Le vaisseau décolle après l'arrêt du mouvement, qui correspond à un pic d'activité cérébrale.

Il a ensuite répété l'opération, mais cette fois en restant immobile et en imaginant seulement qu'il bougeait les pieds, puis en imaginant qu'il cessait de le faire: sur l'écran, le vaisseau spatial a décollé de la même manière.

Une bonne dose de concentration est nécessaire pour arriver à ce résultat. «Les mouvements réels sont captés par l'ordinateur chez 50% d'utilisateurs, et 30% sont capables de faire décoller le vaisseau» sans entraînement, a reconnu Anatole Lécuyer, chercheur à l'Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA).

Grâce à OpenVIBE, un visiteur peut aussi évoluer dans les galeries d'un musée virtuel par des commandes mentales associées à des mouvements imaginaires de ses pieds et de ses mains.

Les interfaces cerveau-machine comme OpenVIBE sont particulièrement prometteuses pour améliorer la vie des handicapés moteurs, pour lesquels le contrôle cérébral d'un mouvement non exécuté par les membres est moins difficile que pour les non-handicapés.

Les objets virtuels déplacés par les utilisateurs peuvent, dans le cas des handicapés, être associés à des robots pour les aider dans leur vie quotidienne.

Le logiciel permet aussi d'écrire par la pensée en focalisant son attention sur les lettres de son choix, présentées sous forme de grille. «On détecte la lettre choisie par le sujet grâce à une réponse du cerveau qui survient 300 millisecondes après la stimulation» qui se produit lorsque la lettre désirée est trouvée, selon Olivier Bertrand, directeur de recherche à l'Inserm.

Cette application, baptisée P300 Speller, exige un apprentissage réciproque de l'ordinateur et de l'utilisateur.

«L'ordinateur doit s'adapter à votre cerveau, de la même manière qu'il s'adapte à votre intonation pour reconnaître votre voix», détaille M. Bertrand.

Au-delà des programmeurs de jeux vidéo, des médecins pourront utiliser OpenVIBE à des fins thérapeutiques, que ce soit en récupération motrice ou pour certains déficits neurologiques comme les troubles de l'attention.

OpenVIBE, qui est gratuit et téléchargeable sur internet (https://openvibe.inria.fr), «a vocation à devenir un standard» dans le domaine des interfaces cerveau machine, où la France avait pris du retard, notamment face aux Etats-Unis et au Japon, a souligné M. Lécuyer.