Qui n'a pas apprécié pouvoir regarder Les Invincibles à l'heure qui lui convenait sur le site Internet de Radio-Canada? Mais la webtélé, c'est beaucoup plus que des reprises et de l'information complémentaire. C'est un univers en soi, peuplé de créateurs qui redéfinissent à coup de pixels ce que sera la télé de demain.

Les nouvelles technologies ont bousculé les habitudes de consommation du public. Que ce soit les nouvelles, la série Chez Jules ou encore les Chroniques d'une Mère indigne, la webtélé s'écoute autant sur son téléphone portable que sur son ordinateur personnel, et ce quand et où vous le voulez.Pour les créateurs, la webtélé est un lieu qui rime avec liberté. Nul besoin de jongler avec les règles et autres carcans imposés à la télédiffusion traditionnelle. La webtélé est un tremplin idéal pour les projets embryonnaires. Pas de producteur à convaincre, ni de grosses sommes à engranger.

La culture skate-board

Éditeur en chef de 33mag , Julien Roussin Côté voit d'un bon oeil la multiplication des webtélés dans la sphère médiatique québécoise. Soulignant la disparition récente de deux médias culturels (le magazine musical Bang Bang et l'hebdomadaire gratuit ICI Montréal), il croit que la webtélé est d'autant plus importante.

«Il y a une demande pour le contenu culturel. La webtélé répond à un besoin.»

Présent sur le web depuis 1999, 33mag est l'un des premiers sites Internet à avoir reçu un appui financier de Téléfilm Canada. Près d'une trentaine de chaînes de webtélé ont élu domicile chez 33mag, qui offre une tribune aux amateurs de skate-board, de snow-board et à la culture qui en découle.

«Nous étions à la base trois amis qui avaient envie de créer une source d'information qui rallierait la scène du skate-board», explique Julien Roussin Côté. Dès 2005, le site web prend le virage vidéo. «L'idée était d'offrir une programmation régulière qui n'a rien à voir avec la télé traditionnelle. »

«À la maison, la télévision est ouverte, mais elle reste présente en arrière-plan, confirme Julien Roussin Côté. La télé, je l'écoute d'une oreille avec mon ordinateur portable sur mes genoux. »

Combo télé-web-mobilité

L'avenir, c'est le triple play, souligne la productrice et cofondatrice d'Image Diffusion International, Anne-Marie Losique, pour qui la pérennité de ses projets télévisuels passe par la combinaison télé-web-mobilité. «Pour avoir un impact sur le marché, pour avoir une plus grande force, il faut être présent partout. »

Bob le Chef

C'est à 33mag que Robert James Penny, mieux connu sous le nom de Bob le Chef s'installe et devient un petit phénomène culinaire. Ses capsules pratiques qui démocratisent la cuisine ont même mené à la publication d'un bouquin, L'anarchie culinaire selon Bob le Chef, publié aux éditions La Presse. «C'est sûr que l'on déborde du cadre, quoique Bob soit un ancien skate-boarder, mais 33mag, c'est aussi un tremplin», poursuit Julien Roussin Côté, dont la boîte diffuse depuis deux ans des capsules sur les ondes de Rogers.

Didier ze mime

Et dans cette industrie en pleine effervescence, plusieurs ont décidé de mettre à la main à la pâte. C'est le cas l'équipe de la boîte FarWeb.tv, qui veut ni plus ni moins conquérir la planète avec... un mime (www.didierzemime.com)!

Derrière ce projet en apparence loufoque, il y a d'abord une histoire d'amitié qui remonte à la tendre enfance entre le producteur Robert Boulos et le comédien Didier Lucien (Dans une galaxie près de chez-nous). Inspiré par le succès des capsules de Mr. Bean et des gags de Juste pour rire - le sans-parole n'a que faire des frontières - Robert Boulos a voulu pousser l'expérience en se tournant vers le web.

«Je me suis rappelé que Didier avait déjà fait du mime et je lui en ai parlé. On a d'abord voulu voir s'il y aurait un engouement pour ça», explique Robert Boulos, rencontré avec ses deux acolytes, Didier Lucien et Alain Lépine, qui s'occupe de la mise en marché. La discussion part dans tous les sens, les fous rires aussi, mais les trois hommes sont animés par la même flamme: créer un nouveau modèle d'affaire. Et avoir beaucoup de plaisir, ça va de soi.

Quelques capsules de Didier ze mime sont tournées puis déposées sur YouTube, question de tester la marchandise. Nous sommes en 2007.

Cadrer les choses

Se basant sur des scénarios complètement absurdes, Didier ze mime attire l'attention un peu partout dans le monde avec ses capsules de deux minutes pendant lesquelles le mime meurt à deux reprises. Un fan-club sur Facebook est créé. Proprio d'une agence web, Alain Lépine, se joint au duo après être tombé sur les capsules de Didier. C'est d'ailleurs lui qui est à l'origine du fan-club, sans savoir que Robert Boulos est derrière cette initiative. «J'ai vu un potentiel énorme. Je me suis dit qu'il y avait vraiment quelque chose à faire avec ça. »

Forts de l'expérience qu'ils possèdent dans leur domaine respectif, les trois complices lancent un site web, avant de faire une pause, en janvier dernier, question de monter un plan d'affaire. L'équipe s'est aussi dénichée un studio, niché dans un édifice à vocation artistique.

«Nous ne sommes pas de jeunes loups qui ont des choses à prouver. Nous avons une certaine crédibilité, mais surtout une expérience qui nous a permis de vendre notre proje», poursuit Didier Lucien. Robert Boulos ajoute: «Nous avons eu la chance d'avoir du temps. Le temps de peaufiner une idée et d'élaborer un cadre financier. »

Ze mime international

Les sous en banque (provenant de subventions et d'investissements privés) et le studio installé, l'équipe de Didier ze mime se dit prête à lancer l'offensive web. Ils ont déjà écrit près de 150 capsules. L'objectif est de créer une banque qui pourra être subdivisée selon les thèmes, que ce soit enfant, famille ou encore adulte consentant. «Le caractère international doit primer», précise Alain Lépine.

Et si les médias traditionnels craquent pour Didier ze mime, ils auront des capsules exclusives à offrir. Pas question de diluer le produit à toutes les sauces.

Robert Boulos rappelle que le succès de la webtélé passe par l'interactivité.

«Les gens nous envoient des dessins, des idées et des suggestions. Il faut d'abord bâtir une communauté, la télé, ça devient le petit extra. »

D'où l'importance d'être présent partout sur la toile, que ce soit Facebook ou Twitter, sur lesquels les abonnés et «amis» peuvent déjà suivre les tribulations de Didier ze mime, qui est aussi offert en balado.

Mauvais réflexe

«L'erreur que beaucoup ont faite avec la webtélé, c'est de vouloir garder leur contenu pour eux. C'est un mauvais réflexe, croit Alain Lépine, qui veut semer Didier ze mime de part et d'autre de la grande toile. Nous travaillons à développer un modèle. Un modèle que nous pourrons ensuite appliquer à d'autres productions. Nous sommes avant tout des animateurs web, c'est ce qui nous distingue.»

Tandis que les budgets de la télévision traditionnelle fondent comme neige au soleil, Julien Roussin Côté, de 33mag, s'inquiète de la disparition du Fonds des nouveaux médias, tel que décidé par le gouvernement Harper.

Doté d'une enveloppe annuelle de 14,5 millions $, ce fonds avait été créé afin de favoriser la création et la diffusion de matériel original interactif ou en ligne.

«Ce fonds était le seul qui finançait des projets qui n'étaient pas liés à des émissions de télé. »

Les sites web indépendants, tout comme les télédiffuseurs, devront maintenant s'abreuver à la même source, soit le nouveau Fond des médias.

La pub, nerf de la guerre

«C'est évident que c'est la télé qui va avoir le plus gros morceau. Je serais étonné de voir des sites indépendants sortir gagnants, poursuit Julien Roussin Côté. Nous n'aurions jamais pu créer la dernière version du site sans l'appui de Téléfilm. On a besoin que les gens croient en nous, et ce, même si la rentabilité n'est pas à tout casser. »

L'éditeur en chef de 33mag explique que, dans la grande majorité des cas, les sommes versés par les commanditaires permettent de couvrir les frais de production. Pour mettre du pain sur la table, il faut se tourner vers les revenus publicitaires tirés des bannières ou encore des publicités qui sont présentées juste avant les webépisodes. Un moindre mal à son avis.

«Ce ne sont pas des pubs agressives. Ce n'est pas comme à la télé: tu n'es pas obligé de les écouter.»

Quelques webtélés au Québec

WebTV Hebdo

Lancé par le blogueur et animateur Dominic Arpin, c'est la version en ligne du bon vieux TV Hebdo, mais pour les webtélés d'ici et d'ailleurs. Une véritable mine d'information.

33mag

Sports extrêmes, musique et même recettes de cuisine s'y donnent rendez-vous. On y trouve, entre autres, les capsules hebdomadaires de Bob le Chef.

Bombe.tv

Reportages parfois loufoques sur l'actualité, la culture, la musique et la vie en général. C'est à eux que l'on doit la vidéo et coup de publicité de Tout le monde aime Éric Salvail, qui a circulé l'an dernier.

Chez Jules

Série de fiction de Geneviève Lefebvre, scénariste et blogueuse (Chroniques Blondes), qui réunit Jessica Baker, Catherine de Léan, Anne Dorval, Maude Guérin et Janine Sutto dans les toilettes d'un populaire bistro.

BananaCam.tv

Fiction qui met en vedette trois faux ados qui communiquent par webcam leurs états d'âmes. La série est produite par Jean-François Grenier, aussi animateur de l'émission Cinémission, diffusée sur les ondes de TFO.

Bande musicale

Luc Bergeron y propose, depuis 2007, des capsules dans lesquelles il utilise des chansons québécoises qu'il transpose à des événements de sa vie, qu'ils soient vrais ou non.

Didier ze mime

Incarné par le comédien Didier Lucien, Didier ze mime offre des capsules absurdes, quand ce n'est pas tout simplement des recettes de gâteau.

Les recycleurs

Les Reclycleurs créent ce qu'ils appellent des «navets», soit des montages avec des archives vidéo et une toute nouvelle bande sonore.

En ligne depuis 2007.