Si le salut de la presse américaine en crise semblait passer par internet, les premiers résultats d'un grand quotidien du nord-ouest des États-unis, désormais uniquement en ligne, et d'un site d'informations payant récemment créé ne sont pas très encourageants.

Mi-mars le quotidien Seattle Post-Intelligencer a cessé d'être imprimé et n'est plus disponible que sur internet.Son propriétaire, le groupe Hearst, a décidé cette mesure face aux pertes essuyées par le journal, héritier de la Seattle Gazette fondée en 1863. Sa disparition des kiosques laisse à la grande ville de l'Etat de Washington (nord-ouest) un seul autre quotidien généraliste, The Seattle Times.

Comme la quasi-totalité de la presse américaine, le journal a fait face à une forte baisse de ses recettes publicitaires et de sa diffusion, née d'une migration de son lectorat vers les sites gratuits.

Au même moment, 30 anciens journalistes d'un autre quotidien défunt, le Rocky Mountain News, à Denver (Colorado, ouest), lançaient un site d'informations baptisé INDenverTimes.com, avec l'ambition d'attirer 50.000 abonnés payants.

Un mois plus tard, les premiers indicateurs sont plutôt sombres. INDenverTimes.com a annoncé ne pas avoir rempli son objectif et changer de «modèle économique». Le site n'a pas fourni de chiffres mais les spécialistes des médias parlent de quelque 3.000 abonnés...

Cet échec ne surprend pas Rick Edmonds, analyste de l'économie des médias au Poynter Institute, une école de journalisme située en Floride (sud-est).

«Je n'ai jamais cru que leur projet était réaliste,» confie-t-il à l'AFP. «C'est le grand débat. Les gens sont-ils prêts à payer pour des informations généralistes en ligne? Dans la plupart des cas, la réponse est non», relève M. Edmonds.

«Plusieurs sites de journaux ont tenté d'être payants pendant un certain temps. La plupart ont tellement perdu de lecteurs et les abonnement tellement rien rapporté qu'ils sont redevenus gratuits», explique l'analyste.

Kevin Preblud, un des trois investisseurs de INDenverTimes.com, a assuré que la jeune société cherchait d'autres modèles économiques et restait «confiante dans le journalisme en ligne».

Quant au site SeattlePI.com --qui existait avant la mort de l'édition papier du Post-Intelligencer--, son lectorat est tombé à 1,4 million d'utilisateurs en mars contre 1,84 million en février.

Il est passé en mars au 32e rang des sites de journaux américains après avoir été au 29e en février et au 21e en janvier.

SeattlePI.com, qui emploie 20 journalistes contre 150 pour la défunte édition papier, souffre aussi de la concurrence du site du seul rescapé de la ville, The Seattle Times.

SeattleTimes.com avait 1,5 million d'utilisateurs en février mais a vu son trafic grimper à 2,2 millions en mars, un gain de 70% sur un an.

Il est sans doute trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur SeattlePI.com, mais une perte de lectorat n'est pas surprenante. Les lecteurs privés de leur quotidien papier ne se tournent pas forcément vers sa version en ligne, contrairement à ce que l'on pourrait penser, estime Rick Edmonds.

Quel que soit leur avenir, les aventures de INDenverTimes.com ou de SeattlePI.com sont intéressantes pour le journalisme en ligne à une époque de transition pour la presse, souligne-t-il.

«Nous commençons juste à voir des tests grandeur nature dans le monde», dit-il. «Il y a beaucoup d'expériences variées et nous apprenons plutôt vite.»