La publicité destinée aux enfants est interdite jusque sur l'internet. Pour la première fois de son histoire, l'Office de la protection du consommateur (OPC) a étendu sa juridiction au web en obtenant une reconnaissance de culpabilité de la part du géant de l'alimentation General Mills, qui avait concocté un site racoleur pour les petits.

L'OPC a fait savoir hier que General Mills Canada s'est reconnu coupable, le 6 février, d'avoir produit de la publicité destinée aux moins de 13 ans. C'est le site canadien des céréales Lucky Charms, disparu de la Toile depuis le dépôt d'une plainte en décembre 2007, qui posait problème. Des jeux destinés aux jeunes enfants «comportaient des messages publicitaires à but commercial», dit le communiqué de presse.

Jean-Jacques Préaux, porte-parole de l'OPC, explique que les enfants devaient faire avancer le farfadet emblématique de Lucky Charms sur un parcours rempli de formes géométriques ressemblant à s'y méprendre aux céréales. La boîte invitait les enfants à se rendre sur le site internet et ce site invitait les enfants à acheter les céréales, précise M. Préaux. La version américaine promet d'ailleurs des «vies» supplémentaires pour le petit bonhomme en échange d'un code spécial trouvé sur l'emballage. Les procureurs de l'OPC ont jugé que c'en était trop.

La reconnaissance de culpabilité enregistrée par General Mills met fin aux procédures judiciaires. La multinationale écope d'une amende de 2000 $ en plus des frais de 500 $. C'est le minimum prévu par la loi. Mais tant du côté de l'OPC que de la Coalition québécoise sur la problématique du poids, qui avait déposé la plainte, c'est le précédent et non le montant qui compte.

«Nous sommes très heureux parce que c'est la première fois que le web est considéré comme support de la publicité faite aux enfants», se réjouissait hier Suzie Pellerin, directrice de la Coalition Poids, qui lutte contre l'épidémie d'obésité au Québec. Selon elle, l'atteinte à la réputation du contrevenant devrait décourager d'autres entreprises alimentaires de cibler les petits consommateurs.

Christian Desilets, professeur de communication à l'Université Laval et ex-publicitaire, confirme que les sites internet identifiés à une marque sont des publicités, qu'ils invitent clairement les visiteurs à acheter leurs produits ou non. «Il n'y a pas un publicitaire digne de ce nom qui vous dira le contraire, insiste-t-il.

Plus un individu va passer du temps à interagir avec une marque, plus il va devenir un fidèle de cette marque et la favoriser jusque dans le processus d'achat», ajoute l'universitaire. La fréquentation de sites internet corporatifs par les enfants est donc très avantageuse pour les entreprises. D'autant que les enfants ont une influence marquée sur les achats de la famille.

M. Desilets estime donc qu'il est «impensable» que les multinationales cessent toute publicité sur l'internet. Elles pourraient plutôt oublier le marché du Québec, peu important à l'échelle nord-américaine, et y distribuer leurs produits sans les soutenir par des campagnes en bonne et due forme.

Il y a un mois, Saputo s'est aussi avouée coupable d'avoir produit de la publicité destinée aux enfants en moussant les ventes de ses gâteaux Igor dans les Centres de la petite enfance. La firme qui a orchestré la campagne fait encore face à des accusations, tout comme les géants Burger King et McDonald's, dénoncés par la Coalition Poids pour leurs jouets promotionnels et la commandite de Ciné-cadeau.