Les relations qui se développent entre artistes et fans via Internet et ses réseaux sociaux pourraient devenir un enjeu majeur pour l'industrie musicale, qui réfléchit aux moyens d'en tirer des revenus afin d'endiguer la crise née de l'effondrement des ventes de disques.

Cette «monétisation de la relation artiste-fan» était le thème du MidemNet, série de conférences dédiées aux nouvelles technologies organisée samedi à Cannes (sud-est de la France) en prélude au Midem, le Marché international du disque et de l'édition musicale.Créé sur le Net par quatre entrepreneurs, dont le fils du chanteur Jean-Jacques Goldman, le label communautaire français MyMajorCompany a permis à un artiste, le chanteur Grégoire, d'émerger grâce au public en 2008.

MyMajorCompany propose aux internautes de devenir producteurs en finançant l'enregistrement d'un album. Un total de 70.000 euros de dons est nécessaire. Les internautes-producteurs se partagent 30% des revenus des ventes du disque et 20% vont à l'artiste.

Première signature de ce label, Grégoire a été un des succès-surprise de ces derniers mois et son album s'est écoulé à 235.000 exemplaires.

La plate-forme NoMajorMusik fonctionne sur un modèle comparable.

Une conférence très remarquée au MidemNet était consacrée au cas frappant de l'Américain Trent Reznor, leader du groupe de rock industriel Nine Inch Nails.

Reznor, qui entretient des liens forts avec ses fans via le site internet du groupe, a sorti l'an passé l'album de Nine Inch Nails «Ghost I - IV» sans maison de disques.

Il l'a proposé sur le site sous différents formats et tarifs: téléchargement gratuit de 9 des 36 morceaux, 5 dollars pour télécharger les 36, 10 dollars pour un double CD, 75 pour un produit «Deluxe» (CD, DVD...) et 300 dollars pour la version «Ultra Deluxe» (2.500 exemplaires numérotés et dédicacés).

Selon l'Américain Mike Masnick, qui a exposé ce cas, les profits cumulés ont atteint 1,6 million de dollars en une semaine, bien que l'offre de base ait été gratuite.

Masnick, qui a pointé du doigt une industrie toujours focalisée sur les questions de copyright et de protection numérique, a résumé «l'exemple Reznor» par cette équation: «Créer des liens avec les fans + leur donner des raisons d'acheter = $$$$».

Après leur départ de la major EMI, les Anglais de Radiohead avaient adopté une démarche proche fin 2007 en proposant aux internautes d'acheter leur album «In Rainbows» à un prix libre, avant de le sortir de manière traditionnelle.

Les vétérans du groupe britannique Marillion, eux, font financer leurs disques par les fans.

Il est cependant difficile de tirer des conclusions définitives de ces cas qui restent exceptionnels.

Plus largement, artistes et grosses maisons de disques diversifient leurs offres envers les fans. Ainsi, le prochain album de U2 sortira début mars chez Universal sous cinq formats distincts.

Et pour une industrie musicale qui cherche désespérément des solutions à la crise, les réseaux sociaux sont un terrain rêvé de marketing puisqu'ils segmentent les internautes en «tribus».

«On peut plus que jamais rassembler énormément de données sur ce que les gens font de la musique», a estimé samedi Cory Ondrejka, qui a rejoint la major du disque EMI en provenance de Linden, société créatrice de l'univers virtuel Second Life.

«Il faut comprendre pourquoi un groupe de gens se cimente autour d'un artiste», a renchéri l'analyste Duncan Freeman lors de la même conférence, qui appréhendait le fan avant tout comme un consommateur.