Pierre Louette, réélu vendredi pour trois ans à la présidence de l'Agence France-Presse, est désormais chargé de «moderniser» son statut après avoir promu tout au long de son premier mandat le développement de l'AFP vers les nouveaux médias.

Yeux bleus, crâne rasé, d'un abord facile, Pierre Louette, 45 ans, a débuté sa carrière comme auditeur à la Cour des Comptes à sa sortie de l'ENA. A ce titre, il est rapporteur de la commission financière de l'AFP, de 1990 à 1992.

Il rejoint par la suite le cabinet du premier ministre, Edouard Balladur (1993-1995) en tant que conseiller technique à la communication, à la jeunesse et aux sports.

Après un passage à France Télévisions, il passe au privé, où il dirige une agence de communication sur internet au sein de Havas Advertising, puis le fonds d'investissement de Bernard Arnault, Europ@web.

En 2003, il est nommé directeur général de l'AFP, avant de prendre la succession de Bertrand Eveno à sa présidence en 2005.

Féru d'internet et convaincu que l'AFP doit «accompagner ses clients dans leur mutation numérique», il a poussé au développement du service vidéo, de produits sur le web ou sur les téléphones mobiles.

L'AFP, qui a renoué avec les bénéfices sous son mandat, doit désormais devenir une agence «tout-multimédia», ce qui nécessite un investissement de 20 millions d'euros.

Le Pdg a également noué des partenariats, comme en novembre avec l'agence Relaxnews pour développer un fil mondial d'informations sur les loisirs.

Certaines de ces initiatives, comme la prise d'une participation dans CitizenSide, une plateforme diffusant des images en provenance du public, ont cependant sucité des réticences des syndicats, qui jugeaient que l'AFP s'aventurait au-delà de ses missions au détriment de son coeur de métier.

Si son premier mandat s'est toutefois déroulé sans heurts sociaux, un sujet est source d'inquiétudes en interne : la réforme du statut.

En application d'une loi de 1957 destinée à garantir son indépendance, l'agence est dotée d'un statut sans équivalent, soumise au droit commercial, mais avec une gouvernance dérogatoire au droit commun des sociétés. Elle est administrée de façon collégiale par ses clients utilisateurs.

M. Louette a été chargé par l'Etat de proposer d'ici la fin mars 2009 une «modernisation» de ce statut.

«C'est un texte qui doit évoluer, s'il doit évoluer, pour permettre de mieux assurer le financement de l'agence», tout en «protégeant absolument sa totale indépendance éditoriale», estime-t-il.

Il a déjà évoqué comme pistes la possibilité de doter l'AFP d'un «actionnaire très stable, pérenne» ou de créer une fondation, sur le modèle anglo-saxon.

L'intersyndicale de l'AFP a réagi en lançant fin novembre une pétition contre «toute modification qui dénaturerait son statut». Elle a reçu plus de 7.500 signatures.

L'inquiétude syndicale est d'autant plus vive que le mandat de M. Louette a également été marqué en 2008 par une crise sans précédent dans l'histoire de l'agence avec le parti au pouvoir, qui a pour la première fois saisi le Conseil supérieur de l'AFP.

La plainte d'un des porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, qui accusait l'Agence d'«obstruction volontaire» concernant des communiqués de son parti, a été rejetée par ce conseil.

M. Louette était alors monté en première ligne, rappelant que l'AFP n'avait pas vocation à être «une machine à diffuser des communiqués».