Les ministères et les grandes entreprises qui bloquent Internet au travail, qui empêchent l'utilisation des outils de clavardage, de Facebook et d'autres sites et qui limitent l'accès au courriel ne seront jamais pris au sérieux ni considérés comme des employeurs potentiels par la génération numérique, tous ces jeunes de 14 ans qui vivent avec les outils de communication globale. C'est ce qu'affirme en entrevue Carl-Frédéric De Celles, président de la firme iXmédia.

«Interdire ces outils sous prétexte qu'ils peuvent faire perdre du temps ou que c'est dangereux, précise-t-il, c'est comme si l'on avait interdit le téléphone ou les fax pour les générations qui les précèdent. Ces jeunes ont la planète à leur portée et ils n'iront jamais travailler dans des milieux qui coupent l'ouverture sur le monde et résistent aux changements.»

 

Pour lui, l'informatique et la technologie doivent être au service des gens et non le contraire. Trop souvent, les équipes informatiques ont une approche limitative pour les usagers au nom de la sécurité au lieu de trouver des solutions simples qui satisferont tout le monde. Il donne l'exemple d'un de ses employés qui s'est vu refuser l'accès à Internet dans un ministère sous prétexte que c'était risqué avec son Mac.

Tous les nouveaux outils du Web, entre autres, doivent être considérés comme des occasions d'entrer en relation avec les gens, pas seulement comme des outils de communication. Dans la culture numérique, les entreprises ont tendance à utiliser des méthodes de gestion mal adaptées à la réalité des nouvelles générations.

Il donne l'exemple du commerce électronique, où souvent les petits joueurs obtiennent plus de succès en vendant partout parce que leur approche colle à la culture numérique. Ils sont loin des réflexes des vendeurs traditionnels. De grandes entreprises et de grands commerces sont présents dans le réseau, mais ça ne se traduit pas en ventes parce que l'approche ne correspond pas aux besoins du client.

«À l'ADISQ, on s'est plaint pendant des années du piratage et de la vente de musique en ligne, raconte-t-il. Aujourd'hui, on se plaint des retards dans le commerce électronique. Si le lancement d'un disque se fait seulement en magasin ou dans un certain type de technologie, les gens qui veulent la musique de tel ou tel auteur seront déçus et ils n'achèteront pas. C'est la grande différence entre le iTunes Store et Archambault. Le premier fonctionne facilement et rapidement, mais certains chanteurs québécois n'y sont pas. Avec Archambault, c'est complexe inutilement et ça ne fonctionne pas toujours à cause de la technologie utilisée. Ce n'est surtout pas compatible avec le logiciel iTunes. Les usagers se découragent et font d'autres choix.»

Avec la génération née dans le monde numérique, les employeurs devront adapter leur mode de gestion. Même l'école devra revoir ses méthodes parce que bien des profs ne comprennent pas la culture numérique. Pour eux, ça se limite à quelques logiciels comme Word, Excel, le courrier électronique et un peu de recherche sur Internet. Ils ont peur des blogues, de YouTube, de Facebook, des textos, des wikis ou de Wikipédia. Pourtant, on apprend plein de choses par ces réseaux et par le jeu vidéo, mais ni l'école ni de nombreux employeurs n'ont compris la portée de la culture numérique. Ils sont des immigrants du numérique, alors que les jeunes sont des natifs avec leur langage et leur mode de fonctionnement (https://fr.wikipedia.org/wiki/Natif_numérique). Pour Carl-Frédéric De Celles, le monde du travail devra nécessairement s'adapter à cette nouvelle culture.