Considérée comme une plaque-tournante de la cybercriminalité, la Roumanie veut se débarrasser de cette étiquette et multiplie les coups de filet dans le milieu des fraudeurs sur internet.

Fausses enchères en ligne, hameçonnage, usurpation d'identité, clônage de cartes de crédit: la liste des infractions informatiques se diversifie et, en dépit des «conseils de prévention» dispensés par la police, pas moins de 900 cas ont été recensés au cours des neuf premiers mois de l'année.

La dernière opération en date a abouti, fin octobre, à l'interpellation de 80 personnes, membres de réseaux internationaux, qui organisaient des enchères fictives sur internet.

Une autre action d'envergure, menée conjointement avec des agents du FBI, a permis l'arrestation en mai dernier de 38 ressortissants roumains, américains et vietnamiens soupçonnés d'avoir provoqué des pertes de millions de dollars à des milliers de particuliers et d'institutions bancaires.

«Notre principale difficulté est liée au caractère transnational de la criminalité informatique», a déclaré à l'AFP le no.2 du département chargé de la lutte contre les cybercriminels, Virgil Spiridon.

Autre difficulté: les méthodes de plus en plus sophistiquées des fraudeurs, qui contraignent les policiers à suivre en permanence des cours de formation pour tenir le pas avec ceux derniers.

Habituée à combattre la petite délinquance, la police de Ramnicu-Valcea est ainsi confrontée à un défi de taille depuis que cette paisible ville de 100 000 habitants s'est vue surnommer «capitale mondiale de la cybercriminalité» en raison du grand nombre de fraudeurs qu'elle abrite.

«C'est comme une contagion», a déclaré à l'AFP le procureur Valentin Preoteasa, pour expliquer ce phénomène.

Selon ce responsable de la Direction locale pour la lutte contre la criminalité organisée, les premiers à s'être enrichis en se livrant à des fraudes sur internet ont vite fait des émules parmi des jeunes désoeuvrés de cette ville.

Toutefois, «si, il y a quelques années, ces jeunes affichaient leur opulence, pensant que rien ne pouvait leur arriver, aujourd'hui ils sont devenus plus discrets», sachant que la police est à leurs trousses, assure-t-il.

Plus de 40 pirates ont été ainsi été arrêtés dans le département de Valcea depuis le début de l'année, grâce notamment à l'«excellente coopération avec le FBI», indique le procureur.

Des agents américains ont également épaulé les policiers roumains qui, après des mois d'efforts, ont arrêté un jeune internaute se faisant appeler Vladuz, accusé d'avoir provoqué des pertes de plusieurs millions de dollars au site d'enchères en ligne eBay.

Cible privilégiée des fraudeurs, le site a multiplié les dons d'équipements à la police roumaine, s'inquiétant de voir que dans certaines petites villes, «policiers et cybercriminels étaient amenés à partager le même café internet».

Une autre affaire retentissante a abouti à l'arrestation d'un jeune Roumain accusé d'avoir pénétré les serveurs de la Nasa et provoqué des dommages d'un montant de 1,5 million de dollars.

A l'issue d'un procès très attendu, le jeune homme a été condamné à 16 mois de prison avec sursis et au versement de 240 000 dollars de dommages-intérêts. Une condamnation qui n'a pas tardé à susciter des rumeurs quant à une possible connivence entre la justice et une compagnie informatique désireuse d'exploiter les «talents» du hacker.

S'il rejette une telle éventualité, M. Spiridon se dit «surpris» de la peine modique infligée au jeune homme. «On ne peut pas décourager la cybercriminalité avec des peines comme celle-ci», regrette-t-il.