Après les pub télé, le web. Déjà en mode électoral, le Parti conservateur a lancé cette semaine son nouveau site de campagne, qui permet aux militants d'organiser eux-mêmes certaines actions politiques.

Largement inspirée des sites de réseautage à la Facebook, la page web est constamment coiffée d'un logo portant l'inscription «Harper Leadership 08», tant en anglais qu'en français. Une des sous-sections, intitulée «Ma campagne», propose aux bénévoles de se créer un profil à partir duquel ils peuvent, entre autres, envoyer des tracts électroniques à une panoplie d'adresses de courriel. Les militants accèdent aussi à partir de cette section à un formulaire en ligne permettant d'envoyer directement des lettres ouvertes aux journaux d'une région donnée. Les numéros de téléphone des principales tribunes téléphoniques radio de chaque région sont également inscrits.

Dans les deux cas, les stratèges conservateurs ont préalablement écrit une série de «messages-clés» qu'ils souhaitent retrouver dans les commentaires de leurs partisans. Par exemple: si un bénévole rédige à partir du formulaire une lettre ouverte traitant du thème de la santé, une série d'arguments est affichée, dont celui-ci: «L'ancien gouvernement libéral a amputé le financement destiné aux soins de santé et le délai d'attente pour les patients a presque doublé.»

On offre aussi quelques conseils pour être retenu par les éditeurs: «Rédigez une lettre ne comportant pas plus de 250 mots, les éditeurs les préfèrent», ou «ayez en tête que certains animateurs ont un esprit de confrontation et qu'ils vous interrompront sans gêne. Préparez-vous à répliquer à leur provocation en anticipant les arguments qu'ils pourraient marteler», prévient-on.

Selon Thierry Giasson, professeur de communication politique à l'Université Laval, cette section du site «a un potentiel très intéressant» pour mobiliser les troupes. «Mais je ne sais pas trop comment les internautes vont réagir en voyant qu'ils se font dicter quoi écrire ou quoi dire par le parti. Cela va un peu à l'encontre de la mentalité du web, où les internautes ont généralement leur propre discours, élaboré et bien animé, et qui reste malgré tout assez proche de celui des partis.»

Autre constat: l'image de Stephen Harper est omniprésente sur le nouveau site. Toutes les bannières en haut de page portent le logo «Harper Leadership 08» et montrent le chef, tantôt en action, entouré de ses collaborateurs et jeunes bénévoles, tantôt posant à la maison avec son épouse et ses deux enfants. «On cherche ici clairement à atteindre une clientèle de classe moyenne, particulièrement celle des jeunes familles qui ont des enfants en très bas âge et pensent qu'elles paient trop d'impôts», estime M. Giasson.

Le chef libéral, Stéphane Dion, et son Plan vert y occupent aussi une place prépondérante. Une sous-section aux couleurs criardes, accessible à l'adresse www.passepassededion.ca, lui est entièrement dédiée. On y trouve des photos peu avantageuses de M. Dion, qui proposerait avec son plan vert une «taxe sur tout».

Signe des temps, le site des conservateurs propose aussi des liens vers les grands réseaux sociaux comme Facebook, MySpace, YouTube et Flickr, où le chef est représenté.

Aux yeux de Michelle Blanc, consultante montréalaise en positionnement sur l'internet, même si le Parti conservateur s'inspire largement du langage des réseaux sociaux pour son site, le résultat n'est pas convaincant. «C'est un site qui fait l'apologie du moi, moi, moi'. Il manque cruellement de possibilité de dialogue pour les internautes», croit-elle. «Aux États-Unis, c'est une chose que l'équipe de Barack Obama a très bien comprise. Son site permet aux fans de débattre entre eux, au risque de perdre le contrôle sur le message. Au bout du compte, cela fait en sorte que les gens s'approprient le discours du parti, et ça marche. Malheureusement, les conservateurs préfèrent plutôt mettre en ligne des photos et des textes léchés. Je doute qu'au bout du compte, M. ou Mme Tout-le-monde ait envie d'y aller après le travail, si c'est pour lire le même message aseptisé que celui qu'on entend à la télé toute la journée.»

Le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD n'ont pour l'instant apporté aucun changement à leurs sites respectifs, préférant attendre le lancement de la campagne pour mettre leurs nouveaux sites en ligne.