Un blogueur russe condamné pour avoir insulté la police a défendu lundi son droit d'expression en Russie où l'internet, dernier îlot de liberté, est devenu la cible du ministère de l'Intérieur soucieux d'accroître le contrôle des sites «subversifs».

«Je ne pense pas que j'aie commis un crime», a déclaré au cours d'une conférence de presse à Moscou Savva Terentiev, musicien de Syktyvkar (nord) condamné à un an de prison avec sursis après avoir écrit dans son blogue qu'il détestait les policiers, appelant à les brûler vifs «comme à Auschwitz».

Son avocat, Vladislav Kosnynev, a qualifié cette condamnation d'«illégale et infondée» annonçant qu'il en avait fait appel lundi et se disant prêt à aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg, le cas échéant.

Savva Terentiev a admis que ses commentaires étaient «assez forts», sans pour autant vouloir revenir sur les termes qu'il avait utilisés.

La police en Russie a la réputation d'être très corrompue et la plupart des Russes disent ne pas lui faire confiance, selon des sondages.

Au procès, le procureur Lada Louzan a qualifié les déclarations de Savva Terentiev d'«acte d'extrémisme, puisque l'objet de l'incitation au crime était des individus exerçant des fonctions qui visent à protéger l'ordre et les lois».

«Personne n'a prouvé en justice que les commentaires (de Savva Terentiev) avaient été dangereux pour la société», a réagi lundi Anton Nossik, blogueur et figure de l'internet russe.

Il a par ailleurs dénoncé comme étant «absurdes» les tentatives de la police de contrôler le web.

Le ministre russe de l'Intérieur Rachid Nourgaliev a appelé vendredi les députés à amender la loi sur les médias pour qu'il soit reconnu que l'internet est un média, ce qui permettrait de sanctionner les internautes pour la publication d'informations «extrémistes».

«Aujourd'hui, la question de la responsabilité pénale pour incitation à l'extrémisme et au terrorisme sur le web devient de plus en plus d'actualité», a-t-il déclaré, d'après le site du ministère.

Maria Gaïdar, militante du parti de droite SPS, qui s'est distinguée par une campagne contre le Kremlin extrêmement caustique menée sur l'internet avant les législatives de fin 2007 a également jugé «absurde» d'assimiler internet et médias, ce qui équivaudrait, dit-elle, à «déclarer comme mass média toute sorte de moyens de communiquer, textos, etc.».

Interrogée par l'AFP, elle a cependant souligné que toute personne devait être responsable de ses dires, considérant que la condamnation de Savva Terentiev est «adéquate».

Pour Alexeï Simonov, du Fonds de défense de la Glasnost, la démarche du ministre Nourgaliev a pour but d'envoyer un signal aux blogueurs qui jouissaient jusqu'à présent d'une «certaine liberté» dans un contexte de verrouillage du paysage audiovisuel et d'absence de toute discussion publique libre sur les sujets politiques.

«Dans la Russie actuelle, tout désaccord avec les autorités exprimé en termes forts peut être taxé d'extrémisme», déplore M. Simonov.

Le Parlement russe a définitivement adopté il y a un an des amendements à la législation sur «l'extrémisme», décriés comme étant un moyen d'entraver l'action de l'opposition avant l'élection présidentielle de mars 2008 en Russie.

Ces amendements ont introduit notamment dans le code pénal la notion de crimes et délits commis pour «des motifs de haine politique et idéologique», venant s'ajouter à ceux commis par haine raciale ou religieuse.

«C'est bête de considérer l'internet comme un média, mais qui a dit que nos autorités sont incapables de faire des bêtises ?», s'interroge ironiquement l'expert.