Onze petits génies de l'informatique, qui en 2005 s'étaient amusés à pirater des sites internet allant jusqu'à tourner en dérision la campagne gouvernementale contre le cannabis sur le site même du ministère de la Santé, ont comparu jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris.

«Le cannabis, j'en ai fumé. Je préconise une prise intensive, au minimum deux fois par jour pour essayer de se sentir bien dans un monde dirigé par nos chers technocrates». C'est ce texte, apparu soudainement le 2 février 2005 sur le site de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), qui a valu à ces jeunes garçons d'être poursuivis en justice.

Loin d'y voir un canular, la Mildt avait porté plainte et une information judiciaire avait été ouverte en avril 2005, menant deux mois plus tard à l'interpellation de onze majeurs, âgés de 18 à 29 ans, et de trois mineurs dont les cas ont été disjoints.

L'enquête avait permis de mettre en évidence que ces jeunes internautes appartenaient pour la plupart à un groupe de discussion baptisé OWNZ, où ils échangeaient des connaissances techniques et discutaient assidûment de piratage.

Si l'attaque contre la Mildt constitue le coeur du dossier, certains sont également poursuivis pour avoir piraté d'autres sites: celui de Partouche Casino, du GIGN, de HEC, des restaurants Hippopotamus ou encore de la cour d'appel de Paris.

Si aujourd'hui, les piratages de sites web sont «assez communs», avec plusieurs dizaines de cas par jour «rien qu'en France», en 2004-05, cela était encore «assez exceptionnel», a témoigné jeudi M. Dubois, expert informatique.

Selon lui, les membres du groupe OWNZ auraient, entre janvier et juin 2005, piraté «plusieurs centaines de machines».

La justice reproche aux jeunes majeurs de s'être introduits frauduleusement dans un système de traitement automatisé des données et d'en avoir modifié ou supprimé des données.

Les trois plus directement concernés par l'attaque sur le site de la Mildt sont également poursuivis pour provocation à l'usage du cannabis. La pilule passe d'autant plus mal pour le ministère public que le principal responsable, Benjamin, 25 ans, était, au moment des faits, développeur informatique au sein des services de police.

«Pour nous, c'était un jeu», s'est justifié Jérôme, 25 ans, affirmant n'avoir rien gagné financièrement dans l'histoire.

«Notre seule finalité, c'était de rentrer dans une machine», a-t-il encore expliqué, assurant n'avoir jamais «voulu nuire à quelqu'un».

Tout comme lui, Kes, Kiki, Angstor ou encore Moloss, du nom de leur pseudo, ont raconté comment, passionnés d'informatique depuis l'enfance, ils se sont laissés emporter par le jeu et l'émulation.

Le procès doit s'achever vendredi et le jugement mis en délibéré.