Christine Albanel présente mercredi en conseil des ministres un projet de loi pour dissuader les internautes de télécharger illégalement des oeuvres, d'abord en leur envoyant des avertissements puis en suspendant provisoirement leur abonnement à internet.

Baptisé «Création et internet», le texte de la ministre de la Culture institue un mécanisme de «riposte graduée» envers les internautes pratiquant le téléchargement illicite de musique ou de films.

Il constitue la transcription législative des accords de l'Elysée préparés par Denis Olivennes et signés le 23 novembre, en présence de Nicolas Sarkozy, par une quarantaine d'organismes représentant les secteurs de la musique, du cinéma et les fournisseurs d'accès à l'internet.

«Les Français sont champions en matière de piraterie sur internet», relève Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), interrogé par l'AFP. «Cela s'explique à la fois parce qu'ils sont nombreux à avoir le haut-débit et parce qu'ils ont un engouement pour les biens culturels», poursuit-il.

L'industrie du disque, dont les ventes sont en chute libre, et celle du cinéma attendent de ce fait avec impatience ce projet de loi qui pourrait être voté à l'automne et mis en oeuvre début 2009.

Actuellement, le téléchargement illégal se règle au pénal. Le contrevenant risque jusqu'à 300 000 euros (475 000 $ CA)d'amende et trois ans de prison.

«Le système correctionnel n'est pas adapté face à un phénomène massif, avec plusieurs millions d'internautes pirates», souligne M. Rogard.

Le texte crée une Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l'internet (Hadopi). S'ils constatent que leurs oeuvres font l'objet d'un téléchargement illicite, les ayants droit pourront saisir cette autorité administrative.

L'Hadopi se procurera auprès des fournisseurs d'accès les coordonnées de l'internaute en faute. Dans un premier temps, elle enverra des avertissements par courriel puis par lettre recommandée pour lui demander d'arrêter.

S'il persiste, elle pourra passer à la phase de sanctions. En cas de manquements répétés, l'internaute risquera une suspension d'un an de son accès à internet. A moins qu'il n'accepte une transaction et s'engage par écrit à ne pas recommencer, auquel cas la coupure pourra être ramenée à quelques semaines.

La mesure de suspension de l'accès à internet concentre les critiques des opposants au texte.

Le magazine spécialisé SVM a lancé une pétition qui a recueilli 23 000 signatures, notamment celles des députés européens Guy Bono (PS), Vincent Peillon (PS), Daniel Cohn-Bendit (Verts) ainsi que des députés français Patrick Bloche (PS), Noël Mamère (Verts) ou Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République).

Cette loi «va traquer les petits utilisateurs, ceux qui aiment la culture», déplorent les signataires qui jugent «disporportionnée» la mesure de coupure de l'accès à internet.

«De nos jours, l'accès à l'information numérique est devenu crucial», commente pour l'AFP l'un des signataires, Benoît Thieulin, cosecrétaire de la section internet du PS. L'ancien animateur de la net campagne de Ségolène Royal regrette que cet accès puisse être coupé sur simple décision de l'Hadopi.

Pascal Rogard pense que la loi sera efficace. «Certes, les pirates endurcis continueront mais une majorité de la population, clairement avertie et disposant d'une offre légale élargie, arrêtera de pirater», estime-t-il.