Opéras retransmis en direct dans les cinémas, concerts visibles en temps réel sur internet : les professionnels de la musique classique explorent de nouvelles voies pour élargir leur public et réagir face aux problèmes de diffusion en DVD et à la télévision.

Plusieurs plates-formes audiovisuelles avec des noms de domaine en .tv ont fleuri sur la Toile, comme MonteVerdi aux Pays-Bas, Classics24 en Grande-Bretagne ou Medici en France.

Cette dernière s'est notamment illustrée en diffusant en février dernier le concert historique de l'Orchestre philharmonique de New York en Corée du Nord.

Dans les semaines qui viennent, Medici.tv a prévu de proposer aux internautes de visionner gratuitement et en direct 50 concerts ou représentations d'opéras en «streaming», sans possibilité de téléchargement.

Une façon d'attirer et de fidéliser le client pour une plate-forme qui propose déjà l'achat («downloading») ou la location («streaming») de dizaines de films musicaux en VOD (vidéo à la demande), et en proposera bientôt 200.

Cette nouvelle offre intervient en pleine crise de la commercialisation du CD et du DVD (-23,2% pour le marché de gros au premier trimestre 2008, tous répertoires confondus).

«Le problème de la circulation des oeuvres devient assez cruel», explique à l'AFP Hervé Boissière, responsable DVD et nouveaux médias chez Medici Arts, la société qui exploite Medici.tv.

«Les DVD musicaux sont de moins en moins disponibles dans les magasins. Quant à la télévision, il y a une pression d'audience telle qu'elle repousse les émissions de musique classique à des heures scandaleuses», détaille ce professionnel.

Les nouvelles plates-formes veulent croire qu'elles représentent un modèle alternatif durable pour la diffusion des programmes musicaux.

«On avance à vue mais les scores qu'on a déjà réalisés sont forts», affirme Hervé Boissière, qui cite le chiffre de 150 000 visiteurs différents et d'un million de vidéos regardées pour les 30 concerts diffusés lors du Festival de Verbier (Suisse) à l'été 2007.

«On se dit que la combinaison de l'internet et de l'image permettra de faire découvrir des artistes à de nouveaux publics. C'est une clé d'entrée que l'on espère plus sexy, moins intimidante et moins convenue que de faire la démarche d'acheter un DVD ou une place de concert», ajoute-t-il.

Sur un mode plus communautaire, dans des cinémas et pas dans le salon du spectateur, le Metropolitan Opera de New York a pour sa part fait le choix en 2006 de diffuser certaines de ces productions en direct et en haute définition.

En 2007-2008, cette opération intitulée «The Met: Live in HD» a touché quelque 900.000 spectateurs dans 600 salles de 17 pays, dont près de 10 000 lors de deux dates en France.

«C'est une façon d'amener aux gens de grands spectacles, à un tarif beaucoup moins élevé (18 euros en France, NDLR) que le prix moyen d'un billet à l'opéra», explique Marc Welinski, directeur général de CielEcran, qui assure la vidéotransmission par satellite des productions du Met sur les écrans français.

Reste le coût de ces opérations, qui est élevé (entre 50 000 et 500 000 euros pour un concert Medici diffusé sur internet, près d'1,5 million d'euros pour chaque production du Met au cinéma). D'où la nécessité pour le Met de bénéficier du soutien d'un mécène, et pour Medici de travailler en partenariat avec des chaînes de télévision.

«On est sur un modèle économique très fragile», reconnaît Hervé Boissière.