Le site internet ma-bimbo.com, qui permet aux adolescentes de jouer avec un mannequin virtuel dont le statut grimpe entre autres avec des implants mammaires, des régimes et du bronzage, fait fureur au Québec après avoir soulevé une polémique au Royaume-Uni.

Les jeunes Québécoises de 13 à 18 ans raffolent du site, qu'elles ont visité 893 000 fois au mois de mai, selon les statistiques compilées par Web-expect, la boîte française qui s'occupe du site.

«Pour une population de sept millions d'habitants, c'est beaucoup!» estime Olivier Champion, directeur des communications à Alliance numeriQC, l'Association professionnelle du monde du multimédia québécois.

En huit mois, la popularité du site a doublé dans la province. Le mois passé, c'est à Outremont (130 000) et à Sainte-Foy (112 000) que ma-bimbo.com a enregistré le plus de visites au Québec.

Créé en décembre 2006 par des Français de Nantes, ma-bimbo.com est un de ces «jeux d'élevage» très populaires chez les jeunes, qui consistent à créer et à faire évoluer un personnage virtuel. Dans ce cas-ci, la bimbo est une sorte d'hybride de manga et de pitoune à la Paris Hilton. L'objectif ? «Être la plus populaire et la plus riche du moment.»

Pour gravir les échelons, la bimbo doit entre autres suivre des régimes, aller au salon de bronzage, se faire refaire les seins ou le visage ou se trouver un mari riche qui l'aidera à devenir une vedette.

Polémique au royaume-uni

La version anglaise du site - missbimbo.com - a soulevé une polémique il y a quelques mois au Royaume-Uni. Des associations de parents déploraient l'image que le site projetait de la femme et craignaient que le jeu incite les jeunes adolescentes à recourir à la chirurgie plastique et les conduise vers des troubles alimentaires.

Le cocréateur du site, Benoit Guihard, estime que le personnage de Ma-bimbo est d'une certaine façon l'équivalent de la Barbie d'il y a 20 ans. Et il se défend d'encourager l'hypersexualisation des jeunes filles, la minceur extrême ou la chirurgie plastique.

«Pour nous (ces critiques), c'est n'importe quoi, dit-il. C'est comme si on attaquait directement n'importe quelle pub qui passe à la télé. On voit ça vraiment comme un jeu, sans arrière-pensée.»

Quand le site a été lancé, les bimbos pouvaient se procurer une pilule coupe-faim pour avoir la taille d'un mannequin. Mais les responsables du site l'ont retirée pour ne pas s'attirer les foudres des parents. Maintenant, certaines étapes sensibles du jeu sont assorties de mises en garde, précise M. Guihard.

Coordonnatrice du Projet d'intervention prostitution Québec (PIPQ), Anick Gagnon connaît plusieurs jeunes filles qui jouent sur ma-bimbo.com, dont certaines ont à peine huit ans. Elle a été estomaquée quand sa fille lui a expliqué que son personnage pouvait progresser dans le jeu avec des implants mammaires.

Sa collègue du PIPQ, Geneviève Quinty, blâme les plus vieux. «Les adolescentes répondent à ce qu'on leur envoie comme image. Et qui est à la tête des revues cool et de tout ça? C'est des adultes.»

Selon Michel Dorais, sociologue de la sexualité à l'Université Laval, le caractère virtuel de ma-bimbo.com limite son influence sur les adolescentes.

«C'est normal à l'adolescence qu'on se projette, souligne-t-il. Mais quand on adopte ce modèle-là et rien d'autre que le virtuel, on s'efforce de l'incarner. Là, oui, ça peut poser un danger.»