Bluff ou énergie du désespoir, les contre-alliances recherchées par le groupe internet Yahoo! pour résister à l'offre d'achat de Microsoft pourraient arracher à ce dernier quelques dollars de plus mais ne sont pas une alternative crédible, selon des analystes.

Yahoo! et AOL, filiale du groupe de médias Time Warner, respectivement 3e et 4e groupes internet mondiaux, seraient proches d'un accord de fusion, affirme jeudi la presse économique.

Yahoo! a en outre annoncé un début de partenariat avec son rival Google pour lui sous-traiter les publicités accolées aux recherches sur le web.

Mais en réplique, Microsoft négocierait de son côté avec le géant des médias News Corp., propriétaire du site de socialisation MySpace, le lancement d'une offre d'achat conjointe sur Yahoo!.

Ces grandes manoeuvres réunissant tous les géants mondiaux de l'internet s'expliquent par la volonté de Yahoo!, n°2 mondial de la publicité en ligne, de présenter à ses actionnaires une alternative à l'offre de rachat de Microsoft.

Les analystes, tout en applaudissant la manoeuvre, restent très sceptiques sur sa réalité et estiment tous qu'un rachat par Microsoft serait la meilleure solution pour Yahoo! -- et qu'il se produira au bout du compte.

Pour Jeff Lindsay, de la société de gestion Bernstein, «le test de partenariat noué par Yahoo! avec Google est un coup audacieux, qui complique sérieusement l'offre de Microsoft».

Si le test réussit, Yahoo! serait en mesure de réclamer à Microsoft jusqu'à 40 dollars par action. Mais si le prix dépassait 35 dollars, Microsoft n'aurait plus intérêt à acheter, avertit-il.

Pour Ben Schachter, d'UBS, l'alliance que Yahoo! a nouée avec Google n'est pas une vraie voie alternative mais «une pure tactique de négociation», car il ne voit pas comment un partenariat Yahoo!-Google serait accepté par les autorités de la concurrence, les deux groupes détenant à eux deux 80% du marché des recherches sur internet dans le monde.

En revanche, Yahoo! pourrait utiliser ce test pour demander un meilleur prix, et Microsoft devra monter son offre, juge-t-il.

«Nous continuons à penser qu'un accord amiable avec Microsoft serait le meilleur choix pour Yahoo! pour obtenir un meilleur prix, plutôt qu'une bataille auprès des actionnaires», affirme l'analyste.

Doug Anmuth, de Lehman, estime qu'en sous-traitant à Google ses publicités accolées aux recherches sur internet, Yahoo! gagnerait 34% de plus dans ce secteur.

Quant à la tentative d'accord avec AOL, c'est «une manoeuvre désespéréee et «il est difficile de voir quelle valeur il y aurait à s'allier avec un groupe aussi peu pertinent qu'AOL, qui a échoué lamentablement à garder sa place comme pionnier du net», selon Carmi Levy (AR Communications). «Microsoft est un bien meilleur partenaire pour Yahoo!» et représente «sa meilleure option», estime cet analyste.

Pour lui, Yahoo! est «le dos au mur» faute d'avoir réussi à devenir une machine à cash comme Google, et l'offre de Microsoft représente son dernier espoir de rester en lice dans l'internet».

Microsoft a proposé, moitié en cash et moitié en actions, de racheter Yahoo! pour l'équivalent de 29,2 dollars par action, soit 42 milliards de dollars (au cours actuel), et menacé le week-end dernier Yahoo! de diminuer cette offre si le groupe ne l'acceptait pas dans les trois semaines.

Quelle qu'en soit l'issue, ces tractations redessineront l'internet mondial, puisqu'elles impliquent les sites mondiaux les plus fréquentés: Google est numéro un, suivi de Microsoft, puis Yahoo! et AOL, tandis que News Corp., grâce à son site de socialisation MySpace, est au 7e rang mondial, selon le cabinet de mesure d'audience Comscore.