Lorsque nous serons définitivement plongés dans l'ère numérique, le partage des revenus de la création ne se fondera plus sur les ventes de produits physiques. Nous n'en sommes pas encore là: la distribution et la vente des CD demeurent la principale source de revenus des entreprises de musique. Ces dernières années, elles ont représenté plus ou moins 90% des revenus de la musique enregistrée. Mais comment répartira-t-on les revenus lorsqu'il n'en sera plus ainsi?

Lorsque nous serons définitivement plongés dans l'ère numérique, le partage des revenus de la création ne se fondera plus sur les ventes de produits physiques. Nous n'en sommes pas encore là: la distribution et la vente des CD demeurent la principale source de revenus des entreprises de musique. Ces dernières années, elles ont représenté plus ou moins 90% des revenus de la musique enregistrée. Mais comment répartira-t-on les revenus lorsqu'il n'en sera plus ainsi?

Nous avons déjà des cas de taille sur lesquels se pencher, comme celui-ci: plusieurs centaines de millions de dollars empochés par les multinationales de la musique, voilà le fruit de poursuites contre les plateformes de téléchargement illégal depuis le début de cette décennie. Or, d'après un reportage du New York Post publié le 27 février, la redistribution aux artistes de tout ce fric récolté afin de compenser le viol du droit d'auteur est loin d'être évidente.

La première poursuite du genre fut menée contre la major allemande Bertelsmann Music Group (BMG a, depuis, fusionné avec Sony Music) parce que cette dernière avait acquis la redoutée plateforme de téléchargement illégal Napster au début de cette décennie - avec pour objectif de la transformer en plateforme légale, tout en profitant de l'image rebelle du premier P2P d'envergure mondiale. Les concurrents de BMG ont poursuivi la major et obtenu gain de cause, c'est-à-dire un dédommagement de 270 millions de dollars US. Par la suite, d'autres poursuites ont rapporté des sommes considérables aux majors, notamment les poursuites contre KaZaA ou Bolt.com.

Et comment tout cet argent a-t-il ensuite été partagé? Voilà où ça recommence à être intéressant. Selon le New York Post, moult gérants et éditeurs de stars s'interrogent toujours sur les sommes d'argent que leurs clients n'ont pas perçues et n'obtiennent pas de réponse claire auprès des majors de la musique.

«Gérants et avocats d'artistes s'inquiètent depuis des mois. Il ne savent pas quand leurs clients verront la couleur de l'argent issu de ces arrangements conclus sur la base du droit d'auteur», a déclaré au Post l'avocat John Branca, qui a, entre autres, représenté les Rolling Stones, Don Henley (chanteur des Eagles) ou Korn.

«Les majors vont jouer à cache-cache mais elles finiront bien par être obligées de payer quelque chose Il n'est jamais facile pour un artiste de se faire payer sur la base d'un partage équitable», a aussi indiqué au journal new-yorkais Irving Azoff, manager des Eagles, Seal, Jewell, Christina Aguilera ou Van Halen, pour ne nommer que ses plus célèbres clients. Le New York Post a aussi indiqué que d'autres artistes connus et leurs équipes envisageaient d'intenter des poursuites contre les multinationales si on ne leur donnait pas rapidement l'heure juste sur la redistribution de l'argent des arrangements.

Du côté des majors de la musique, rapporte le périodique, on semble jongler avec la manière de distribuer ces sommes afin de dédommager les artistes. On indique notamment que les créateurs ne seraient pas tous éligibles à quelque dédommagement. Et s'ils le sont, on a du mal à déterminer la taille des sommes auxquelles ils auraient droit. Chez EMI, cependant, on affirme que les sommes perçues étaient en voie d'être réparties, idem chez Warner Music et Universal Music.

Ce reportage laisse ainsi entendre que les majors gagnent du temps et laissent le fardeau de la preuve aux représentants des artistes avant de les dédommager. Une fois que la preuve est démontrée et que les majors acceptent de payer, qui empoche ensuite? D'abord les artistes les plus puissants et leurs avocats. Surtout leurs avocats?

Chose certaine, les grands consortiums du divertissement musical ont énormément de mal à admettre que la redistribution des bénéfices de la musique doit se faire selon de nouvelles règles adaptées à l'environnement numérique, au point de freiner tout développement de systèmes de rémunération fondés sur d'autres critères que ceux (connus) des ventes de produits au détail.

Qu'il s'agisse de sommes récoltées à la suite de poursuites contre les plateformes illégales de partage de fichiers musicaux, qu'il s'agisse de partage de revenus (publicitaires et autres) tirés d'arrangements entre les plateformes légales et les plus puissants gestionnaires de répertoires, qu'il s'agisse de revenus d'accords de licences privées (avec des compagnies de téléphone, réseaux d'entreprises ou institutions publiques), il faudra aux artistes, leurs équipes et leurs sociétés de gestion de droits d'auteur une véritable force collective afin qu'ils puissent imposer des critères d'équité sur les nouveaux types de rémunération.

Pour l'instant en tout cas, à l'aube de l'ère numérique, le compte n'y est pas.

Pour en savoir plus:

- nypost.com/seven/02272008/business/infringement__99428.htm

- torrentfreak.com/riaa-keeps-settlement-money-080228/