Nouveau revers pour l'industrie musicale dans sa lutte contre les téléchargements illégaux sur Internet: la justice européenne a estimé mardi que protéger les droits d'auteurs ne justifiait pas toutes les atteintes à la vie privée des internautes.

Nouveau revers pour l'industrie musicale dans sa lutte contre les téléchargements illégaux sur Internet: la justice européenne a estimé mardi que protéger les droits d'auteurs ne justifiait pas toutes les atteintes à la vie privée des internautes.

Les juges de Luxembourg devaient arbitrer dans une affaire opposant en Espagne la société d'éditeurs et de producteurs de musique Promusicae au fournisseur d'accès à Internet Telefonica.

Promusicae avait demandé à Telefonica de lui communiquer les noms et adresses d'utilisateurs d'un service d'échanges de fichiers en ligne (Kazaa), avec l'intention de les poursuivre au civil pour infraction aux droits d'auteurs.

L'industrie musicale est partie en guerre contre le piratage en ligne, qu'elle rend responsable d'une baisse de ses revenus. Le secteur du film et de la télévision commence aussi à s'en inquiéter.

Telefonica avait refusé, arguant que la législation espagnole limitait la communication de telles données aux enquêtes pénales et aux affaires liées à la sécurité publique ou à la défense nationale.

Les juges de Luxembourg, saisis par la justice espagnole, lui ont donné raison mardi. La protection des droits d'auteurs «ne doit pas porter préjudice aux exigences liées à la protection des données à caractère personnel», ont-il estimé. «Le droit communautaire n'impose pas aux Etats membres l'obligation, en vue d'assurer la protection effective du droit d'auteur, de divulguer des données à caractère personnel dans le cadre d'une procédure civile.»

En matière de communication des données personnelles, la Cour appelle toutefois les pays de l'UE à assurer «un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux», respect de la propriété intellectuelle et protection de la vie privée.

Cet appel à l'équilibre a été salué par les associations IFPI, qui représente l'industrie mondiale de la musique, et MPA, qui réunit plusieurs producteurs de films dont les grands studios américains. Pour elles, il est important que la Cour ne fasse pas prévaloir un droit sur un autre.

«Il me semble que le chantier doit être rouvert au niveau européen», a toutefois indiqué à l'AFP Véronique Desbrosses, secrétaire générale du groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (Gesac). «On voudrait que Bruxelles donne un signe clair aux entreprises de télécoms.»

Elle a regretté «l'absence totale de responsabilité» pour ces derniers dans le cadre des règles européennes actuelles. «Cela durera tant que les fournisseurs d'accès et les entreprises télécoms ne seront pas impliqués, volontairement ou obligatoirement, dans la lutte contre la piraterie».

Une opinion affichée aussi lundi à Cannes par Paul McGuiness, le manager du groupe U2, pour qui «les fournisseurs d'accès à Internet doivent cesser de se défausser de leurs responsabilités».

Pour l'industrie, la France est un modèle à suivre.

Le Parlement doit y entériner d'ici l'été un projet de loi anti-piratage des oeuvres culturelles sur Internet. Le mécanisme central consiste, en coopération avec les fournisseurs d'accès à Internet, à envoyer des messages d'avertissement aux internautes qui téléchargent illégalement des fichiers puis, en cas de récidive, à suspendre voire résilier leur abonnement Internet.

L'initiative hérisse les associations de consommateurs, mais elle ne semble pas déplaire à la Commission européenne.

«»La Commission semble plutôt aimer l'idée de forcer les fournisseurs d'accès à Internet à faire la police sur les activités des consommateurs sur Internet», a commenté Cornelia Kutterer, de l'association européenne de consommateurs Beuc, jugeant cela «économiquement insensé».