L'arrivée d'internet a drôlement facilité la vie de quiconque désire en apprendre davantage sur ses concurrents et sur leur environnement. On ne parle pas nécessairement ici d'espionnage industriel, mais de savoir dénicher la bonne information au bon moment pour prendre les meilleures décisions. Mais attention: si vous pouvez réussir à percer les secrets d'une autre entreprise, l'inverse est aussi possible.

L'arrivée d'internet a drôlement facilité la vie de quiconque désire en apprendre davantage sur ses concurrents et sur leur environnement. On ne parle pas nécessairement ici d'espionnage industriel, mais de savoir dénicher la bonne information au bon moment pour prendre les meilleures décisions. Mais attention: si vous pouvez réussir à percer les secrets d'une autre entreprise, l'inverse est aussi possible.

Jusqu'où doit-on -peut-on- aller? Comment se protéger? Le vol d'information est-il pratique courante? «Un bon expert en veille peut dénicher un nombre étonnant d'informations en exploitant à fond les sources disponibles et en poussant le plus loin possible les limites de la légalité», déclare Francis Moaty, directeur d'un mastère spécialisé en intelligence commerciale à l'ESIEE, école de génie située en banlieue de Paris. Précisions qu'en matière de veille stratégique, les Français sont redoutables.

D'où l'importance de tirer la sonnette d'alarme. Depuis l'avènement d'internet, reconstituer la stratégie d'une entreprise peut parfois s'avérer assez facile. Bien qu'aucune société ne soit assez naïve pour en afficher une version intégrale sur son site web, un veilleur bien entraîné pourra tenter de la reconstituer en puisant ici et là des extraits tirés de discours prononcés par différents membres de la direction, de communiqués de presse publié par des fournisseurs ou de documents déposés sur le web: rapports annuels, offres de service, listes de clients, présentations PowerPoint, etc.

«Plus que jamais, les entreprises doivent se montrer vigilantes face à l'information qu'elles-mêmes, leurs employés ou encore leurs partenaires d'affaires divulguent sur leur organisation, dans la vraie vie comme sur l'internet (sites web, blogues, forums, réseaux virtuels, etc.). Certaines informations peuvent sembler anodines, mais ce sont l'analyse et la mise en parallèle de plusieurs données qui deviennent dangereuses», souligne l'expert européen.

Jamais trop prudent

Certaines entreprises sont d'ailleurs passées maîtres dans l'art de tirer les vers du nez à leurs concurrents. Jonathan Calof, expert canadien en intelligence d'affaires, rapporte l'exemple d'une société qui s'est fait voler sa plateforme technologique lors d'une foire commerciale. Un de ses concurrents avait alors chargé quelques émissaires de poser chacun leur tour trois petites questions au personnel qui se trouvait sur place. En elle-même, aucune question n'était dangereuse, mais l'ensemble des réponses équivalait à livrer le secret technologique de l'entreprise.

«Pour éviter une telle situation, les employés doivent savoir ce qu'ils peuvent livrer comme information et ce qui doit demeurer confidentiel», prévient le spécialiste. Ainsi, pour une entreprise, savoir bien communiquer devient de plus en plus stratégique. Elle doit laisser aller juste assez d'informations importantes pour influencer son environnement en sa faveur et mieux convaincre les décideurs, tout en se méfiant des gens mal intentionnés (concurrents, groupes d'influence, etc.).

Il n'y a d'ailleurs pas que dans les films de James Bond que la simple quête d'informations peut déraper et se transformer en espionnage industriel. Parmi les entorses à l'éthique les plus célèbres, rappelons l'affaire WestJet-Air Canada. En 2006, le transporteur aérien WestJet a dû verser 15,5 millions de dollars à Air Canada après avoir laissé des membres de sa direction accéder clandestinement, et à de multiples reprises (environ 240 000 fois), à un intranet protégé par mots de passe afin de télécharger des informations stratégiques.

Sans devenir paranoïaques, il est donc de plus en plus important pour les entreprises de savoir quelles informations circulent à leur propos sur l'internet tant dans les zones qu'elles contrôlent que dans celles sur lesquelles elles n'ont aucune emprise.

Liette D'Amours est directrice des communications au CEFRIO, un centre de recherche-expérimentation et de transfert spécialisé en appropriation des technologies de l'information.