Après avoir été critiqué vertement par le milieu culturel lundi dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a laissé entendre qu'il se pencherait sur la question d'une réglementation d'Internet. Nous voilà à l'orée d'un territoire inconnu.

Après avoir été critiqué vertement par le milieu culturel lundi dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a laissé entendre qu'il se pencherait sur la question d'une réglementation d'Internet. Nous voilà à l'orée d'un territoire inconnu.

Selon Daniel Lafrance, président de l'Association professionnelle de l'édition musicale (APEM), trois pistes de solutions devront être explorées : le filtrage du contenu non autorisé, la mise en place de quotas destinés aux sites internet canadiens afin de favoriser la production locale, et la tarification du flux des échanges incontrôlables par la mise en place d'une licence globale (ce système de redevance compenserait les ayants droit pour la circulation du contenu non autorisé) ou par le versement d'un pourcentage des recettes des fournisseurs d'accès et de services internet (FAI).

«La vraie question est celle-ci: le Canada peut-il réglementer l'internet sans isoler les consommateurs canadiens dans un ghetto social et culturel? Rassurons-nous, il n'y a rien à craindre de ce côté puisque le Canada ne sera certainement pas le chef de file dans ce domaine de réglementation.»

En cela, Daniel Lafrance évoque l'attitude nettement moins interventionniste qu'auparavant du CRTC, d'où cette récente levée de boucliers de 18 associations d'artistes, professionnels et entrepreneurs culturels.

Pierre Trudel, professeur et titulaire de la chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l'information de l'Université de Montréal, souhaite aussi un changement de cap du CRTC.

«Il est faux de prétendre que l'internet ne peut être réglementé. En s'appuyant sur la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications, le CRTC devrait procéder à une telle réglementation afin de renforcer la présence canadienne sur Internet», suggère-t-il.

Le professeur, cependant, n'est pas convaincu de la pertinence de mesures contraignantes qui pourraient conduire notamment les FAI à réduire la présence de certains types de contenus sur la Toile - les fameux P2P, par exemple.

«Cette approche est préconisée pour assurer le contrôle sur la pornographie infantile et autres crimes sur l'internet. Mais... Est-il opportun de faire de même pour tous les échanges de contenus? Je crois qu'il vaut mieux renforcer la présence canadienne dans les outils de recherche et les sites autorisés de téléchargement au Canada.»

De plus, Pierre Trudel voit dans une réglementation sur l'internet la perspective de financer la production locale : «Plus la tendance de la consommation des produits audiovisuels passe par l'internet, plus il importe d'assurer la canalisation d'une portion des bénéfices engendrés par ce nouveau système vers la production culturelle canadienne. Une des façons évoquées pour rajuster le tir est la contribution financière des FAI.

«Si les radiodiffuseurs paient des droits d'auteur et doivent réinvestir dans la production canadienne, les fournisseurs d'accès devraient en fait autant. Idem pour les fournisseurs de services : la plateforme YouTube, par exemple, doit être aussi considérée comme un radiodiffuseur et devrait conséquemment participer à un fonds de production puisqu'elle génère des revenus.»

Voilà donc l'embryon d'une réflexion qui fera son chemin au cours des mois qui viennent. Et nous n'avons pas encore abordé le fameux concept de neutralité de réseaux (net neutrality), selon lequel les opérateurs de réseaux ne devraient faire aucune discrimination à l'endroit des applications et des contenus en circulation.

Chose certaine, le CRTC n'est pas sorti de l'auberge.

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