Diriez-vous à votre patron, au moment de votre évaluation annuelle, que vous êtes en quête de l'âme soeur, que vous n'avez pas eu de relations sexuelles depuis des lunes, que vous avez un fort penchant pour la vodka et que vous ne pouvez manquer une émission de Loft Story? «Grand Dieu, non!», répondriez-vous.

Diriez-vous à votre patron, au moment de votre évaluation annuelle, que vous êtes en quête de l'âme soeur, que vous n'avez pas eu de relations sexuelles depuis des lunes, que vous avez un fort penchant pour la vodka et que vous ne pouvez manquer une émission de Loft Story? «Grand Dieu, non!», répondriez-vous.

Pourtant, si vous êtes un adepte des sites de réseautage comme Facebook ou MySpace, vous le faites au quotidien en révélant ces détails à 33 millions d'autres utilisateurs, dont l'un d'entre eux est sûrement votre patron. !

La popularité fulgurante de ces logiciels, et surtout, leur désarmante convivialité, occulte pour l'instant tout un pan qui risque d'en rattraper plus d'un : la cyber-réputation. Car on y retrouve de tout, du compte-rendu du dernier party entre amis aux photos du dernier-né, en passant par des commentaires désobligeants sur le boss.

«Les employeurs ne l'avoueront jamais, mais le deux tiers d'entre eux s'inscrivent dans ces applications sous un faux nom, question de scruter le profil de leurs employés actuels ou de candidats potentiels», affirme René Villemure, président-fondateur de l'Institut québécois d'éthique appliquée.

Et s'ils ne le font pas, rien ne les empêche de tomber par accident sur vos frasques de la veille ou de vos activités parallèles tout simplement en «googlant» votre nom.

Des employés d'une compagnie de téléphonie canadienne l'ont appris à la dure récemment. Ils avaient tous pris des congés d'invalidité soit pour se la couler douce, soit pour consacrer du temps à leur petite entreprise fraîchement fondée. Leur stratagème a fait long feu.

«Certains avaient leur propre site Web et affichaient des photos où on les voyait en train de faire la fête, raconte Jason, un employé de la compagnie qui a été témoin des événements. D'autres étaient des utilisateurs de Facebook, dont les clichés de partys se sont retrouvés dans l'album photos virtuel de collègues aussi inscrits sur ce site.»

La plupart de ces travailleurs ont été congédiés, mais quelques-uns ont eu droit à une seconde chance. La mésaventure a fait grandement réfléchir Jason, lui-même inscrit sur Facebook.

«Au début, on se sent à l'aise d'ajouter des collègues comme "amis" dans notre profil, explique-t-il. C'est comme si tu étais à la cafétéria avec eux pour parler de ta fin de semaine.»

Excepté qu'il y a des millions d'autres personnes dans la cafétéria, précise René Villemure.

«Les gens n'ont pas encore le jugement nécessaire pour considérer l'impact des sites de réseautage comme Facebook, dit-il. Ce n'est pas compliqué pourtant : quand on est sur le Web, la vie privée n'existe plus. Tout ce qu'on y fait devient des aveux ou des renseignements sur nous dont la traçabilité est universelle et permanente.»

Mais le virtuel donne encore un faux sentiment de sécurité aux internautes, comme en témoigne Jason. «Même sur le Web, on a l'impression que ce qu'on fait à l'extérieur du travail ne porte pas à conséquence», dite le jeune homme qui est aujourd'hui beaucoup plus prudent quand il se connecte à Facebook.

Au contraire, les travailleurs ont des obligations envers leur employeur, même en dehors des heures de bureau. Selon l'article 2088 du Code civil, le salarié «doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail».

Droit des employeurs

Jusqu'à quel point votre employeur peut-il surveiller votre cyber-réputation ?

«L'information retrouvée sur la Toile est publique et peut donc être utilisée par l'employeur, observe Jean R. Allard, avocat et associé chez Ogilvy Renault. Par contre, cela n'autorise pas un patron à agir de manière discriminatoire envers un employé ou un candidat potentiel s'il découvre que ce dernier est homosexuel, par exemple.»

Les employeurs doivent faire preuve de discernement dans leur enquête virtuelle, comme le souligne Denis Morin, professeur agrégé en gestion des ressources humaines à l'UQAM.

«À moins qu'ils aient des motifs raisonnables pour entreprendre une recherche, les patrons ne peuvent s'ingérer de manière systématique dans la vie de leurs employés.»

Le spécialiste encourage par ailleurs les établissements scolaires et les organisations à sensibiliser les individus aux dangers du Web.

«On sous-estime à quel point l'image publique de tout un chacun est devenu aujourd'hui une responsabilité collective.»

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