À l'instar de grands titres américains, les patrons de presse français rêvent de voir leurs journalistes écrire à la fois pour le papier et le web, mais les conditions de cette nouvelle collaboration font débat dans les rédactions, faute d'un cadre global.

À l'instar de grands titres américains, les patrons de presse français rêvent de voir leurs journalistes écrire à la fois pour le papier et le web, mais les conditions de cette nouvelle collaboration font débat dans les rédactions, faute d'un cadre global.

Lagardère Active, pôle médias du groupe Lagardère, vient de lancer son nouveau site internet «télé7.fr» auquel collaborent des journalistes du magazine Télé 7 Jours, de manière volontaire mais sans être payés davantage.

Pour nombre d'observateurs, Lagardère fait office de «laboratoire» de la révolution numérique qui bouleverse une presse française en crise.

Libération, L'Equipe associée à RTL, viennent eux aussi de lancer de nouveaux produits multimédias auxquels contribuent leurs journalistes maisons.

La volonté de faire du journaliste un éditeur de contenu produisant indifféremment des articles, pour le journal et le site internet, du son, de la vidéo... a le vent en poupe chez les éditeurs, convaincus qu'il s'agit d'une question de survie.

Cette nouvelle façon de travailler est accueillie diversement par les salariés.

«Pour interviewer Christine Lagarde, je suis parti avec mon enregistreur numérique: je m'en suis servi à la fois pour relire mes notes et pour donner le son au responsable du web... Ca ne me prend pas plus de temps», témoigne un journaliste de Libération, plutôt enthousiaste.

«Un de mes collègues a reçu pas moins de 15 coups de fil en une journée de la hiérarchie pour faire une chronique audio pour le site internet!», râle au contraire un de ses confrères de L'Equipe.

La semaine dernière, le directeur général du Figaro Francis Morel a émis le souhait de voir à terme les rédactions internet et papier fusionner, prenant l'exemple du New York Times où les journalistes, réunis sur un vaste plateau, travaillent à la fois pour la radio, le web et le journal.

Mais travailler pour plusieurs supports pose de nombreux problèmes sociaux et juridiques.

La plupart des syndicats considèrent que ce sont des métiers différents et que demander à un journaliste de presse écrite de partir en reportage avec une caméra génère surcroît de travail et stress. Au final, «c'est la qualité de l'information qui est en jeu, surtout quand les formations sont insuffisantes», souligne un syndicaliste d'un grand groupe de presse.

Se pose surtout le problème de la rémunération de ce nouveau travail et des droits d'auteur lorsqu'un même article est utilisé plusieurs fois. «On demande un travail supplémentaire aux journalistes sans forcément les payer plus», regrette Dominique Candille, du SNJ-CGT.

Faute d'un cadre global, seuls des accords d'entreprise encadrent ces collaborations multiples, avec des clauses très diverses sur ce point (piges, forfaits annuels pour les droits d'auteur à des niveaux variables...). Et la plupart sont fondés sur le volontariat.

Mais ces nouvelles collaborations sont entourées d'incertitudes juridiques, notamment parce qu'elles partent du principe que le journaliste travaille pour une marque (Elle, Le Figaro, Le Monde...) quelle que soit sa déclinaison, alors que son contrat de travail est rattaché à un titre spécifique.

Les 60 accords d'entreprise sur les droits d'auteur sont par ailleurs juridiquement fragiles, parce que la loi ne prévoit pas la possibilité d'accords collectifs dans ce domaine.

Un groupe de travail indépendant, réunissant des syndicalistes et des patrons de presse, réfléchit actuellement aux moyens d'adapter la législation, en «préservant le droit d'auteur sans empêcher le développement numérique des entreprises», a indiqué un membre du groupe.