Avez-vous reçu ces images hilarantes de chats dans des positions inédites, agrémentées d'une légende en anglais pauvrement orthographiée? Ils s'appellent les «Lolcats» (tout bêtement, les «chats qui font rire»). Le phénomène a pris tant d'ampleur qu'ils sont maintenant des millions, renchérissant les uns sur les autres pour créer un de ces longs «running gags» planétaires, appelé «même» dont internet a le secret.

Avez-vous reçu ces images hilarantes de chats dans des positions inédites, agrémentées d'une légende en anglais pauvrement orthographiée? Ils s'appellent les «Lolcats» (tout bêtement, les «chats qui font rire»). Le phénomène a pris tant d'ampleur qu'ils sont maintenant des millions, renchérissant les uns sur les autres pour créer un de ces longs «running gags» planétaires, appelé «même» dont internet a le secret.

De nouvelles images de ces «lolcats» sont ajoutées tous les jours dans des sites comme iCanHasCheezburger.com envoyées par courriel aux amis et collègues.

On ne se lasse plus de ces photos de chats aux propos humanisés. Un chat ouvre grande la gueule en tendant ses pattes ? La légende indique «Sandwich invisible». Un autre semble perdu dans les profondeurs d'un sofa ? Il crie à l'aide pour qu'on le sorte de là.

Mais les «lolcats» ne sont pas juste des animaux mis dans des situations d'humains. Ils ont un côté très technologique, qui rend certaines de leurs blagues difficiles à comprendre. Et pour cause, elles puisent dans les profondeurs des sous-cultures d'internet, des forums de clavardage aux jeux vidéo en ligne, où on parle le «leet» (ou «l33t»), une sorte de créole technologique né d'internet.

Comme dans ces lieux plus ou moins élitistes où le langage tient lieu d'appartenance culturelle, les Lolcats parlent en «ur» (your), en «teh» (the), en «mah» (my), conjuguent la première personne à la troisième («i can haz» au lieu de «Can I have») et finissent tous leurs pluriels en Z.

Un des derniers en date : la célèbre photo de Stephen Harper caressant son chat, diffusée sur son site web, transformée en «lolcat» sur le blogue Torontoist. com: «I'm in ur house, snugglin ur PM», dit la légende (je suis dans ta maison, en train de câliner ton premier ministre). C'est la construction grammaticale la plus courue chez les «lolcats»; elle est héritée des jeux vidéo en ligne quand un joueur adverse s'exclame par exemple «je suis dans ta base en train de voler ton drapeau».

Une «idée-virus»

«Ce qui est le plus intéressant là-dedans, c'est de savoir que tu fais partie de la gang qui a compris ! plaisante Sylvain Carle, un entrepreneur web de Montréal et spécialiste des technologies émergentes. Ça combine à la fois des minous très cute avec des phrases utilisées depuis longtemps pour plaisanter dans les salles de clavardage. Ça rend ces blagues accessibles à plus de gens.»

On ne sait pas vraiment où cette histoire a commencé. Tout ce dont on est sûr, c'est qu'il s'agit d'un nouveau «même». Qu'est-ce qu'un «même» ? C'est un gag récurrent d'internet, qui évolue à toute vitesse en multipliant les allusions à lui-même. Si on manque les premiers épisodes, on est foutu. Raison de plus pour apprécier de faire partie de ceux qui comprennent.

«Un "même", c'est une vision partagée du monde, indique Sylvain Carle. C'est une idée qui prend la forme d'un virus et qui se réplique elle-même, partant d'une poignée d'initiés jusqu'à atteindre la planète entière.»

Exemple de réplication du même «lolcat» : un chat en train de prendre un sandwich dans ses mains, dont la légende dit : «Sandwich visible». Si on a manqué la blague du «sandwich invisible», on a manqué le train.

À peine apparus, déjà passés de mode

«Les lolcats sortent d'une longue tradition de mêmes, mais ils sont devenus particulièrement célèbres parce qu'ils sont mignons et ne requièrent pas de connaissances technologiques pour être compris, indique Kate Raynes-Goldie, chercheuse de Toronto spécialisée dans la cyberculture. Au début, ils faisaient allusion à d'obscures références de jeux vidéo japonais, mais maintenant la blague a évolué vers des choses plus humaines auxquelles tout le monde peut s'attacher.»

Mais lorsque le «même» devient trop populaire et trop accessible, c'est là qu'il meurt. «À l'Expo web 2.0 à San Francisco, le printemps dernier, c'était le gros truc. Mais maintenant qu'on en parle dans les médias généralistes, c'est forcément la fin, analyse Sylvain Carle. Ce sera bientôt repris par une campagne de publicité quelconque et ce sera le coup fatal.»

Un site pour créer votre propre «lolcat»: https://wigflip.com/roflbot.