Dans les congrès professionnels, les discussions les plus fructueuses ont souvent lieu autour de la machine à café. Alors pourquoi perdre son temps à écouter des conférenciers ?

Dans les congrès professionnels, les discussions les plus fructueuses ont souvent lieu autour de la machine à café. Alors pourquoi perdre son temps à écouter des conférenciers ?

C'est l'idée derrière le principe du «forum ouvert» ou «déconférence» qu'ont expérimenté des congressistes du milieu des technologies, cette fin de semaine à Montréal.

Durant l'événement Rococo Camp, qui réunissait les artisans de la «wikisphère» à la Société des arts technologiques de vendredi à dimanche, on a brièvement troqué les écrans et les projecteurs vidéo contre le babillard et les marqueurs multicolores. Voilà une méthode de travail exotique pour des gens qui sont collés à leur ordinateur du matin au soir, et ont l'habitude de tout faire à l'écran, à des centaines de kilomètres l'un de l'autre.

Ce congrès aux airs de bonne franquette, organisé par des bénévoles avec un micro-budget, réunissait les têtes pensantes de la «révolution Wiki». On y trouvait certains des cerveaux qui se cachent derrière la populaire encyclopédie Wikipedia.org et d'autres sites qui bâtissent leur contenu en faisant appel à la plume des internautes, comme Wikitravel (guides de voyage) ou WikiHow (modes d'emploi de tout et de rien).

Dans un Wiki, la même page web peut être modifiée à l'infini par ses lecteurs et réunir la somme de leurs connaissances en un seul point. Pour que tous se mettent d'accord, il leur faut discuter en ligne et atteindre un consensus. L'événement Rococo Camp reflétait cet esprit, en se présentant comme un «wiki du monde réel», selon Anne Goldenberg, une des organisatrices qui termine son doctorat en communication à l'UQAM.

La méthode utilisée : le «forum ouvert», une forme de réunion qui aplanit la hiérarchie, laisse tout le monde s'exprimer à voix égales et permet de régler plus efficacement les problèmes.

Le premier principe du forum ouvert, c'est qu'aucun programme n'est préparé à l'avance. «On n'est pas dans une conférence classique avec ses vedettes qui parlent sur une estrade. Chaque animateur de séance est assis avec les autres. Ça permet de laisser s'exprimer tout le monde», explique Mme Goldenberg.

Au début de la journée, on réunit tout le monde dans un grand cercle de chaises, au milieu duquel déambule un «facilitateur» qui invite les gens à expliquer les éléments de problème qu'ils aimeraient partager aujourd'hui.

«Bonjour, je m'appelle Deborah», dit la «facilitatrice» venue expliquer le fonctionnement du forum ouvert aux participants, dans les deux langues officielles. «Disons que j'aimerais parler du sujet Comment ne pas tuer ses collègues. Je vais l'écrire sur un papier et le mettre sur le babillard. Si quelqu'un veut en parler avec moi, il sait où me trouver.»

«Le forum ouvert est une structure qui favorise la créativité, explique Deborah Hartmann en marge du forum. Le leadership appartient à tout le monde. Le but est d'explorer les liens informels qui se créent d'habitude de façon accidentelle. Ça permet de relier efficacement des gens qui ont des besoins communs, pour trouver des solutions communes.»

À suivre...

À l'époque du relâchement protocolaire en entreprise, la méthode du forum ouvert (OpenSpaceWorld.org) devrait faire des petits. Pour le moment, elle est surtout utilisée dans le milieu communautaire et on la voit apparaître dans les administrations publiques.

Après la crise du SRAS, des travailleurs ontariens de la santé ont fait appel au gourou canadien du forum ouvert, Larry Peterson, pour identifier des solutions à leurs problèmes organisationnels. Le centre local de développement de la Haute-Yamaska, de son côté, a réuni 115 citoyens dans un forum ouvert afin d'identifier des priorités pour l'avenir de leur région (vision2015.info).

«Personne n'est pris pour un niaiseux», dit Sylvia Boss, étudiante en droit de 28 ans qui a participé à Rococo Camp. «Le forum ouvert permet de rassembler de manière organique des gens aux intérêts communs. C'est notre expérience d'apprentissage qui est mise de l'avant, et non l'expertise de quelques présentateurs.»