Au cours des derniers jours, un mouvement spontané de dizaines de milliers d'internautes a contrecarré les plans de répression des grands seigneurs du divertissement et de l'informatique.

Au cours des derniers jours, un mouvement spontané de dizaines de milliers d'internautes a contrecarré les plans de répression des grands seigneurs du divertissement et de l'informatique.

L'AACS Licensing Authority, un organisme qui combat le piratage des nouveaux produits audiovisuels numérisés, a menacé de poursuites plusieurs blogues et sites d'agrégation de contenus s'ils ne retiraient pas de leurs pages un code (chiffré) permettant de déverrouiller les protections de DVD haute définition mis en marché récemment et qui remplaceront à terme les DVD courants.

Le système anticopie AACS, plus précisément Advanced Access Content System, a pour fonction de protéger les DVD haute définition (HD-DVD et Blu-Ray). Il a été mis de l'avant par huit géants: Disney, Intel, Microsoft, Matsushita (Panasonic), Warner Brothers, IBM, Toshiba et Sony. Inutile d'ajouter que l'AACS Licensing Authority est leur chien de garde.

Il y a quelques mois à peine, on bombait le torse chez les majors, expliquant que ce système anticopie était le résultat d'années de recherches et de milliards de dollars investis. Or, quelques semaines après le dévoilement de cette technologie soi-disant redoutable, un hacker rendait publique une clé neutralisant la protection des DVD munis du système anticopie AACS. Le 11 février dernier, le dénommé Arnezami révélait sa recette sur le site www.doom9.org, réputé pour être fréquenté par de jeunes cracks de l'internet dont le sport préféré est de déjouer les majors de l'ère numérique.

À l'instar du «collègue» Muslix64, dont les trouvailles faites en décembre 2006 s'avéraient similaires aux siennes, Arnezami avait réalisé qu'il était facile de contourner le système de protection, sans même tenter de le décoder. Il avait réussi l'exploit avec des armes bien modestes: ordinateur personnel, console XBox 360, DVD du film King Kong. Inutile d'ajouter que les concepteurs de l'AACS ont modifié le code de la clé depuis lors. Mais le code originel, hyperdiffusé sur l'internet, permet encore de pirater les DVD mis en vente avant cette modification.

Quelques mois plus tard, donc, les majors ont tenté de faire disparaître toute trace de cette opération qui, vous vous en doutez bien, avait fait boule de neige.

Bien que certains blogues aient capitulé devant les menaces de poursuite, une foule d'autres ont contre-attaqué lundi dernier en inondant le populaire site digg.com de liens menant aux pages affichant le code de la clé. En quelques heures, le site d'agrégation de contenus fut débordé par l'hyperdiffusion du code.

Injonction et menace de fermeture

Très populaire parmi les sites d'information interactifs, Digg a pour politique de publier les pages ou articles que lui proposent les internautes, donnant ainsi une place de choix aux articles les plus populaires. Or, le désormais célèbre site avait aussi reçu une injonction légale assortie d'une menace de fermeture - c'est le cas de plusieurs sites à vocation relativement similaire comme le célébrissime Slashdot; c'est dire que la fameuse clé n'est vraiment pas difficile à débusquer.

Intimidés par l'AACS Licensing Authority, les responsables de Digg ont entrepris de bloquer les pages déviantes et de fermer les comptes des utilisateurs qui les faisaient parvenir. C'est alors qu'une authentique révolte fut déclenchée. Lundi dernier, des dizaines de milliers d'internautes ont massivement fait parvenir les pages censurées contenant le code, et la une du digg.com fut carrément ensevelie!

À tel point que Jay Adelson, PDG du site, a dû lui-même intervenir pour calmer les insurgés: «Que vous soyez ou non d'accord avec la politique des propriétaires de droits et des consortiums, si Digg veut survivre, il doit obéir à la loi», a-t-il entre autres déclaré. En vain.

Changement de cap

Le fondateur de Digg, Kevin Rose, renonçait mardi soir à tenter de retirer les pages serties du code «maléfique», au risque de fermer le site.

«Vous nous avez fait savoir clairement qu'il vaudrait mieux que Digg se batte plutôt que de plier l'échine devant une plus grande société. Nous vous avons écoutés, nous allons cesser la suppression des liens et des commentaires liés à cette clé. Et nous en assumeront les conséquences. Si nous perdons, tant pis. Au moins, nous aurons disparu en ayant essayé», a déclaré Kevin Rose.

L'AACS Licensing Authority n'a sûrement pas dit son dernier mot, mais les majors sont maintenant en mesure de constater les effets d'une authentique rébellion sur l'internet... clé en main! Les enjeux sont colossaux: les contenus audiovisuels (à commencer par les films d'Hollywood) et les logiciels requièrent des investissements de beaucoup supérieurs à ce qu'il en coûte pour produire des albums de musique. N'empêche, après l'industrie de la musique, ces grandes compagnies s'apprêtent à y goûter à leur tour.

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