YouTube ne sert pas seulement à glorifier les gangs mais aussi à les condamner. Notre correspondant raconte l'histoire d'un résidant de South Central, qui témoigne dans des vidéoblogues de sa vie dans le quartier le plus violent de Los Angeles.

YouTube ne sert pas seulement à glorifier les gangs mais aussi à les condamner. Notre correspondant raconte l'histoire d'un résidant de South Central, qui témoigne dans des vidéoblogues de sa vie dans le quartier le plus violent de Los Angeles.

La sécurité du quartier South Central à Los Angeles est assurée par des capitaines et des commandants. Ils patrouillent. Ils s'informent. Ils savent qui fait quoi. Un commandant peut décider d'abattre sur le champ quelqu'un qu'il ne reconnaît pas. Pour le plaisir, le pouvoir. Pour montrer qui fait la loi.

Johnnie Jenkins a perdu trois amis comme ça depuis six mois. Deux sont morts sur le trottoir, devant l'entrée de son immeuble. Un troisième a été transpercé de sept projectiles alors qu'il marchait dans le quartier, après une journée passée avec lui en studio, à enregistrer des chansons hip-hop sur l'espoir d'une vie meilleure dans un quartier violent et chaotique.

« C'était le 3 octobre, explique M. Jenkins. Mon ami n'était jamais venu dans le quartier avant. Il voulait retourner chez lui à pied. Les gangs de rue ne l'ont pas laissé faire. »

Une vidéo qui vient du coeur

Pour faire face à toute cette violence, Johnnie Jenkins fait des vidéos. Il les diffuse sur une chaîne de télé communautaire, où il travaille, et aussi sur YouTube.

Dans ses vidéos, M. Jenkins, qui vient de fêter son 49e anniversaire cette semaine, parle, chante, raconte ce qui se passe dans son quartier. Chaque fois, ça vient du coeur.

« C'est important de faire des choses constructives, dit-il. On est entouré de violence et d'abus. Moi, je fais du bénévolat avec les jeunes, et je fais des vidéos. C'est certain qu'il y a de la violence sur YouTube. Ça fait partie de la nature humaine. Mais il y a aussi des gens qui envoient des messages positifs. »

Sans-abri

Père d'un garçon de 3 ans et d'une fille de 1 an, M. Jenkins n'a pas eu une vie simple. Natif de l'Ohio, il a débarqué à Los Angeles en 1984 avec 25 cents en poche et personne vers qui se tourner. Il a erré pendant plusieurs mois dans Skid Row, près du centre-ville de L.A., le plus gros quartier de sans-abri en Amérique.

« La vie dans la rue est folle à L.A. J'ai eu de la chance de me mettre à travailler pour le YMCA assez rapidement. Il y a tellement de gens qui viennent à Los Angeles parce qu'ils pensent qu'ils ont du talent. Ils ne réalisent pas qu'il y a une compétition énorme ici. Beaucoup finissent dans la rue. »

Roulette russe

Essayer d'élever ses enfants dans South Central, un endroit infesté de gangs de rue, est comme jouer à la roulette russe, dit-il. Le quartier était déjà dangereux quand il a emménagé, il y a 20 ans. Mais cela n'avait rien à voir avec la situation qui a cours actuellement.

« Les gangs frappent n'importe qui, n'importe quand. Je ne laisse jamais mes enfants jouer dehors devant chez moi. J'ai bien trop peur qu'ils se fassent enlever ou tuer. C'est cruel de dire à des enfants qu'ils ne peuvent pas jouer dehors, mais je n'ai pas le choix. »

La peur au ventre

Plusieurs de ses voisins ne sont jamais sortis de South Central de leur vie, explique-t-il. «Et tu sais pourquoi ? Parce qu'ils ont peur ! Ici, c'est dangereux, mais c'est chez eux. Ils ne savent pas ce qu'il y a ailleurs, et ils ont peur de se perdre ou de faire de mauvaises rencontres. C'est fou, non ? C'est comme s'ils étaient en prison.»

Avec la violence des derniers mois, M. Jenkins ne compte pas rester longtemps encore dans le coin. D'ici un an, il prévoit déménager dans un quartier plus paisible. « Je veux que mes enfants aient une meilleure vie », dit-il.

La mort d'une amie

Le mois dernier, M Jenkins a perdu sa meilleure amie, Betty Spates, morte d'une crise cardiaque. Dans une vidéo simple et émouvante postée sur YouTube, il rend hommage à celle qui l'a aidé quand il était sans abri et que tous lui tournaient le dos.

La force de continuer

« C'était ma meilleure amie depuis 20 ans, dit-il à la caméra, la gorge nouée par l'émotion. Elle a choisi de consacrer sa vie à aider les sans-abri au centre-ville de L.A., à leur apporter des couvertures et des repas chauds. Elle m'a aidé quand ça n'allait pas. C'était une belle personne et c'est elle qui me donne la force de continuer aujourd'hui. »

Sur le Web:

- Johnnie Jenkins

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